samedi 20 juin 2009

Jobard JBAMB: Généalogie et biographie

LA DESTINEE

ou

quand l’injustice s’en mêle


« I.E.O.A. sont les quatre premiers vocables que balbutia l’humanité, et dont on fit Jéhovah. Mais, comme ce nom avait été déclaré ineffable et qu’il fallait pourtant bien en parler, on le transforma en Jeoan, Jésus, Deus, Theos, Jan, Jehan, John, Ivan, Janeo, Jao, Jou. Jovis barba, Jobard, cousin de la Joubarbe[1], frère de Bacchus, qui est sorti de la cuisse de Jupiter d’un coup de couteau, comme Minerve est sortie toute armée de sa tête d’un coup de marteau ; tandis que Jobard tombait de sa barbe d’un coup de peigne. Après l’expulsion de Jupiter et de sa dynastie, on se moquait des bacchusiens et des jobards, d’où est venue la risée qui s’attache à leur nom.[2] ». Laissons à Jean Baptiste Ambroise Marcellin JOBARD (1c1) la responsabilité de cette ascendance déiste pour se limiter à l’esquisse du portrait des principaux membres de cette famille, dont la branche originaire de Vesvres sous Prangey[3] a laissé des traces dans les mémoires, et tester ainsi ces vers de Boileau :

« Mais fussiez-vous issu d'Hercule[4] en droite ligne,

Si vous ne faites voir qu'une bassesse insigne,

Ce long amas d'aïeux que vous diffamez tous,

Sont autant de témoins qui parlent contre vous ».

L’origine de la famille est toute terrienne, puisque aussi loin que le permettent les registres paroissiaux elle est attachée au sud haut marnais, laquelle donnera Claude qui épousera en 1719 Anne LADMIRAL dont plusieurs enfants parmi lesquels Denis.

1 Denys JOBARD naît le 26/02/1726 à Vesvres sur Prangey et portera le prénom de son grand père. Il y meurt le 09/08/1784. Qualifié alternativement ou simultanément de laboureur et de marchand roulier, il exerce en réalité les deux professions en fonction des saisons. Il épouse le 24/04/1752 Anne BOURDILLAT, fille de Prudent BOURDILLAT bailli de Saint Broing le Bois et de Marie SAINCTOT[5]. Ensemble ils auront douze enfants dont les actes sont enregistrés à Prangey. Située en face de l’ancien château, et tout près de la Vingeanne, la maison familiale renfermait dans une niche située en façade une statuette à l’effigie de Saint Denis patron de toute sa lignée.

PREMIERE GENERATION

11 Louis JOBARD, né le 01/02/1753 et mort le 03/12/1803 sans alliance ni postérité connue. Roulier.

12 Jeanne JOBARD née le 10/06/1755, morte avant 1793, épouse de Claude MAUCLERC. Lorsqu’il épousa Jeanne, il était déjà veuf de Libère Collin et se remariera une troisième fois en janvier 1793 avec Anne Mathieu. Le couple habitait à Langres rue Vernelle, où mourra Claude le 02/05/1816. Il était grammairien, c’est à dire professeur, au collège de Langres, et remplissait également les fonctions d’huissier de la municipalité.

13 Simon JOBARD, né le 29/01/1757 et mort le 13/02/1757.

14 Jean Baptiste JOBARD, né le 17/01/1758, mort à Saint Loup sur Aujon le 06/07/1806. Ayant choisi la voie de la religion, il reçut le sous diaconat le 22 décembre 1781 et sera ordonné prêtre un an plus tard, le 21décembre 1782. Sa première affectation sera comme vicaire à Noyers, dans le Tonnerrois, où il a laissé de bons souvenirs et a bien connu M.Caverot qui était conservateur des hypothèques à Châtillon. Le père du futur cardinal de Lyon[6] avait perdu la foi et l’influence de Jean Baptiste Jobard l’a ramené à « la pratique complète des devoirs du chrétien[7] ». A la mort du prêtre en exercice, la population de Noyers réclama la nomination de Jean Baptiste Jobard, mais celle ci ne sera pas acceptée par l’évêque de Langres. Pour satisfaire la population et faire cesser les manifestations le nouveau curé consentira à prendre Jean Baptiste comme vicaire, mais la constitution civile du clergé exigea bientôt la prestation d’un serment d’allégeance. Le 30 janvier 1791 ils prêtent donc serment mais dès le 15 juin suivant Jobard se rétractera, peut être sous l’influence de sa sœur Marguerite (1b), et continuera à dire la messe et administrer les sacrements jusqu’au décret du 26 août 1792. Celui ci prévoyant que tous les religieux qui n’ont pas prêté ou ont rétracté le serment schismatique « seront tenus de sortir, sous huit jours, des limites du département de leur résidence, et, dans la quinzaine hors du royaume », Jean Baptiste Jobard prit la route aussitôt, mais se fit rapidement arrêter et emprisonner. La tradition dit qu’il réussit à s’enfuir grâce à la complicité d’un de ses paroissiens, et se réfugia à Baissey chez son frère Claude (1c)[8]. Quelques jours plus tard, il se décide à prendre la direction de la Suisse, où s’étaient déjà réfugiés bon nombre de prêtres, et se fait aider par Claude (1c) qui le cacha pendant le voyage dans une voiture remplie de sacs. La Semaine Religieuse de Langres du 6 mars 1881 reproduit une lettre de Jean Baptiste datée du 13 novembre 1792 à Soleure dans laquelle il raconte son voyage: « …Depuis un mois et plus, je voyageais avec mon frère, et je goûtais avec lui tous les agréments qu’il pouvait me procurer ; cependant ces avantages ne pouvaient avoir une longue durée, dans un pays aussi fertile en dangers que la France. J’ai donc pris la résolution , et c’est la prudence qui me l’a dictée, de sortir de cette terre de malédiction, pour entrer dans des contrées qui m’offrissent un séjour plus agréable. Pour parvenir plus sûrement à mon but, j’ai suivi mon frère en qualité et avec un passeport de roulier pris à la municipalité de Lunéville, et nous sommes parvenus à Porentruy le 9 du courant…. En quittant mon frère, mes peines se sont renouvelées, et j’ai éprouvé des sentiments trop humains pour un confesseur de la foi. Le lendemain, je me suis engagé dans les montagnes de la Suisse pour me rendre à Soleure. J’ai quitté mon projet d’aller me fixer à Bâle, parce que cette ville n’étant remplie que de protestants, les prêtres catholiques y sont fort mal reçus ; ils en ont même été chassés. De Porentruy, à Soleure, il y a treize lieues ; j’ai entrepris seul avec Dieu cette route, qui me présentait des dangers de plus d’une espèce. Les frontières qui séparent la Suisse de la principauté de Porentruy étaient garnies d’une multitude effrayante de volontaires français, et les chemins étaient très mauvais. Je n’ai pu me soustraire à ceux ci, mais j’ai eu le bonheur de passer à travers les bataillons ennemis sans éprouver aucun accident…. » Jean Baptiste retrouvera à Derendingen près de Soleure plusieurs prêtres du Langrois et y restera plusieurs années puisqu’il figure sur la liste des émigrés en l’an II et que le juge de paix du canton de Longeau a procédé à l’inventaire de ses biens restés chez sa mère à Vesvres. En août 1795 il est de retour à Noyers où il remplit les fonctions du culte dans diverses maisons. Le 29 suivant, il est dénoncé et doit se réfugier à Langres tout en continuant à exercer le saint ministère[9]. En 1797 Jean Baptiste Jobard est nommé vicaire de Saint Loup, alors simple succursale de Giey sur Aujon, mais la loi de fructidor de l’an V remet en vigueur le décret concernant les prêtres déportés et il doit à nouveau se cacher pour célébrer et administrer les sacrements. Tous les actes de cette époque n’ont d’ailleurs pas été retranscrits puisque Jean Baptiste Jobard baptisa Aspasie Petit, qui deviendra la mère Marie de Jésus et la fondatrice de l’Institut du Cœur Immaculé de Marie à Saint Loup[10], dont l’acte n’a jamais été retrouvé. Pouvant à nouveau exercer son ministère en public, il ne dédaignait pas d’improviser dans le patois du pays « des quatrains et de charmantes chansonnettes qui faisaient les délices de M.Petit. Il composait aussi des mystères, dans la manière naïve du moyen âge, et les faisait jouer à l’église par les enfants [11]». Mais en 1801 le maire de Courcelles, succursale desservie également par Jean Baptiste Jobard, se plaint de l’abbé en ces termes « Les habitants de cette commune avaient toujours été fort attachés au gouvernement. Mais depuis qu’ils sont gouvernés par le prêtre Jobard, ils sont devenus, on ne dit pas dévots, mais fanatiques outrés, au point que, pendant les fêtes et dimanches, à peine ils ont le temps de prendre leurs repas ; ils passent tout le reste à l’église. Auparavant, à peine voyait on, pendant les jours ouvrables, quelques femmes entendre la messe. Aujourd’hui tous les hommes comme les femmes, quittent, pour s’y rendre assidûment, leurs travaux, et emploient souvent plus de deux heures chaque fois au temple ; plusieurs y retournent deux à trois fois, et quelques autres en reviennent deux à trois heures en nuit... [12]». Preuve s’il en était besoin du charisme de l’abbé Jobard et de son appréciation par la population. Le 22 germinal an VI, un décret interdit l’usage des cloches et le curé est mis sous surveillance à Prangey où il a dû élire sa résidence mais est à nouveau poursuivi par le maire de Courcelles qui l’accuse de célébrer à Ternat, Aulnoy et Arbot. Cependant le sous préfet de Langres à une tout autre idée du prêtre et le 15 décembre 1801 ce dernier est autorisé à rentrer à Saint loup où il entreprend la restauration de l’église paroissiale. Hélas ses jours étaient comptés puisqu’il mourut le 6 juillet 1806 dans sa quarante neuvième année. Plus tard, Monseigneur Caverot célèbrera à Saint Loup une de ses toutes premières messes en souvenir de Jean Baptiste Jobard qui avait été l’artisan de la conversion de son père[13].

15 Claude JOBARD né le 27/04/1759 mort à Baissey le 17/04/1785. Cultivateur.

16 Jean Baptiste JOBARD né le 16/05/1760 mort avant 1837 à Gilley. Epouse le 16/12/1789 à Longeau Anne Marie MARCEL. Marchand puis boulanger.

17 Simon JOBARD né le 22/04/1762, il épouse une demoiselle MUGNEROT. Maître horloger et dessinateur de S.A. le Duc d'Orléans, s’engage comme soldat volontaire dans la milice nationale à Chaumont, et décèdera sans postérité le 08/04/1790. Il était de santé fragile ainsi qu’il ressort de la lecture des lettres que son épouse écrivait à sa belle sœur Augustine (1b) et était l’objet de l’attention de toute sa belle famille[14], mais cela n’empêcha pas un départ prématuré[15].

18 Prudent JOBARD né le 03/07/1763 mort le 08/09/1763.

19 Colette JOBARD née le 18/02/1765 morte le 03/06/1765.

1a Catherine JOBARD née le 08/04/1768 morte le 08/03/1769.

1b Marguerite JOBARD dite Augustine naît le 02/01/1770 ; elle a pour parrain son frère Jean Baptiste (14) le futur prêtre. Religieuse, elle sera guillotinée le 5 messidor an II à Paris. Augustine fut envoyée au collège des Ursulines de Langres[16]. « Elève appliquée et studieuse, elle manifestait beaucoup de ferveur dans sa vie quotidienne, c'est donc tout naturellement qu'elle prit l'habit religieux le 19 avril 1789, au couvent de Mussey-l'Evêque, sous le nom de Sœur Dorothée[17] ». En janvier 1790 elle est à la communauté de Noyers, paroisse desservie par son frère Jean Baptiste (14).

Après la prise de la Bastille, elle revint à Vesvres auprès de sa famille. Lors d'un séjour à Gray, chez une de ses sœurs, elle remit, à un de ses cousins qui se rendait à la frontière, une lettre destinée à son frère Jean-Baptiste (14) réfugié en Suisse. Augustine lui écrivait quant elle en trouvait l'occasion, enfreignant ainsi la loi républicaine.

Ce jour de mars 1794, elle confia donc une missive à ce parent, avec mission expresse de la poster hors de France. Très proche de son frère, elle prenait de grands risques et elle le savait. Très négligent, ou ne soupçonnant pas la portée de son geste, le cousin déposa le pli dans un bureau de poste français. La lettre fut saisie et transmise au Comité de Surveillance de Nancy, puis de Langres le 10 floréal an II. Le 17 floréal, l'ordre tomba de perquisitionner à Vesvres, chez la mère de Marguerite Jobard. Quand le brigadier prit connaissance de l'ordre il en appela à sa conscience car la famille Jobard comptait parmi ses bons amis, et arrêter ainsi leur fille lui semblait inconcevable. Selon la tradition, il prit alors le risque d'envoyer un messager dans la nuit à Vesvres pour alerter ses amis et leur demander de cacher sœur Dorothée. Le lendemain, c'est persuadé de ne trouver personne qu'il enfourcha son cheval pour se rendre au hameau. Il ne tomberait pas sur la religieuse. Quelle ne fut pas sa surprise quand Augustine lui ouvrit la porte. Contrairement à Jean Baptiste (14), elle avait choisi de ne pas partir. Elle avait confiance en la justice et en la clémence de Dieu. Cela ne l’empêcha pas d’être accusée d'avoir entretenu une correspondance suivie avec des émigrés et des ennemis de la nation, ce qu'elle nia toujours, reconnaissant seulement l'échange épistolaire avec son frère Jean-Baptiste; et pour cause, vingt quatre lettres, et pièces, sont saisies à l’occasion de la perquisition[18]. Un procès est ouvert par la municipalité de Prangey[19]. Le tribunal criminel de la Haute-Marne l'envoya le 12 prairial devant le tribunal révolutionnaire, malgré la déposition de 17 témoins en sa faveur. De Chaumont, elle fut transférée à Paris pour être jugée. On l'enferma à la conciergerie. Elle y passa quelques semaines, s'employant à soutenir ses codétenus. C'est le 22 juillet que Fouquier-Tinville dressa l'acte d'accusation : « …La nommée Jobard, dite Dorothée, en proie à toutes les illusions du fanatisme le plus enraciné, et qui a été trouvée saisie d’une correspondance où tout ce que la haine de la Révolution et la superstition peuvent dicter de déclamations contre la liberté du peuple français se trouve consigné à un frère prêtre réfractaire déporté avec lequel elle a entretenu depuis sa déportation une correspondance criminelle[20]… ». Elle fut condamnée à mort le 5 messidor an II[21] et exécutée le jour même sur la place du Trône renversé. « Ce jour là, sœur Dorothée en religion, Augustine fit preuve d'un grand courage en montant dans la. charrette qui l'emmenait à la guillotine. Elle chantait des cantiques d'une voix claire et limpide[22] ». Son corps fut jeté dans la fosse commune.

Quelques semaines plus tard, ce fut la chute de Robespierre. Le 10 thermidor, il fut lui aussi guillotiné. Les portes des prisons s'ouvrirent, les témoins de la condamnation d'Augustine rapportèrent l'histoire de son emprisonnement et de sa marche courageuse vers la mort à la famille Jobard.

1c Claude JOBARD[23] dit parfois Jean Claude, naît le 09/06/1766 au hameau de Vesvres. Pendant son adolescence, il tomba amoureux d’une jeune fille du village voisin, mais cette passion n’était pas du tout du goût des grands parents qui, pour les séparer, envoyèrent les deux tourtereaux au séminaire, et au couvent pour la demoiselle[24]. Jean Claude reçut la tonsure le 27 février 1790 dans la chapelle du séminaire de Langres[25]. Quelques mois après, la constitution civile du clergé entre en vigueur et autorise les religieux à rentrer chez eux. N’ayant pas reçu les ordres sacrés, Claude en profita pour retourner à la vie civile. Son amoureuse, Marie Marguerite PRUDENT, ayant fait de même, il se marièrent à Baissey le 06/06/1791. Elle ne pouvait plus craindre le mécontentement de ses parents, ceux ci étant décédés, respectivement le 02/06/1785 pour sa mère Marie Simone MOUSSU, et le 24/07/1789 pour Jean Baptiste PRUDENT; quant à Claude, il serait majeur une semaine plus tard. Le couple s’installa à Baissey, où ils cultivèrent la terre, et Claude achemina les marchandises qui lui seront confiées sur les routes de France, parfois au péril de sa vie. C’est ainsi qu’un an plus tard en emmenant son frère Jean Baptiste (14) sur le chemin de l’exil, ils dut se défendre, avec un pistolet, contre des patriotes faisant irruption dans l’auberge aristocratique qui les accueillait[26]. Claude deviendra rapidement un notable reconnu puisqu’il sera maire de son village pendant plus de trente ans et même président du canton[27]. Il mourra à Baissey le 17/10/1844. Le couple a eu huit enfants. Il sera également apprécié comme poète-chansonnier même si aucun écrit n’est connu avec certitude à l’exception de la petite phrase qu’il tint à ses trois garçons quand ceux ci furent en âge de choisir : « Mes enfants, voulez vous être riches et bêtes, ou pauvres et instruits ? Mon patrimoine ne me permet pas de vous offrir une autre alternative [28]».

DEUXIEME GENERATION

1c1 Ambroise Marcellin (dit Jean Baptiste Ambroise Marcellin) JOBARD naît à Baissey le 17 mai 1792, et réclame spirituellement la paternité de Robespierre dont les décisions ont, indirectement, permis le mariage de ses parents. Il adjoint à ses prénoms ceux de son oncle curé, Jean Baptiste (14), et raconte son éducation en ces termes : « Arrivé à l’âge heureux où la jaquette se bifurque en pantalon comme la queue d’un têtard, on m’envoya recevoir des coups de férule chez le magister du village, à qui je faisais des cornes, le trouvant bête de me faire faire de grandes lettres, pendant que j’avais de petits doigts, pour arriver à faire de petites lettres quand j’aurais de grands doigts». Puis on « commença par m’enfermer dans un latinoir de Langres qui venait de s’ouvrir ; on me plaça entre deux jolis petits forçats bien peignés, qui sont devenus, l’un l’athée Walferdin[29] ; l’autre le religieux cardinal Morlot, archevêque de Paris. Singulier effet de la même instruction ! ». « Après six ou sept ans de que retranchés, de plus que parfaits, de futurs passés, de pensums, de supins, on m’envoya à Dijon, dans une autre maison de détention et de gérondifs, que je ne comprends pas encore, où se trouvait alors un gros garçon, un vrai piocheur, sans ambition et pas fier du tout, qui s’appelle aujourd’hui le maréchal Vaillant. ». « On m’avait envoyé à la recherche de ma vocation, comme Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale. Je suivis donc tous les cours ouverts dans l’ancienne capitale des ducs de Bourgogne. Je faisais de l’anatomie avec Morland, du dessin avec François Desvosges, du modelage avec Rude ; j’étudiais le droit romain avec Jacotot, l’architecture avec le père Antoine, la physique avec le père Fleury, la philosophie avec un grand père jésuite très maigre, dont le nom m’échappe ; je m’occupai aussi du billard avec Chazeau, de la dame de corde avec Godo, et du tambour avec un tapin de la garnison. Je commençais à rouler passablement, lorsque la police vint m’enlever la caisse, sous prétexte que cela ennuyait les voisins, ennemis des arts d’agrément. Si donc ma vocation ne s’est pas révélée, c’est peut être parce que je faisais des armes avec mon maître de musique et de la musique avec mon maître d’armes[30]». Naturellement cela ne dura pas. Son père voulu l’envoyer à l’école polytechnique ; il se retrouva en Hollande pour organiser le cadastre de Groningue, et celui de Maëstricht, comme aide vérificateur. Il y restera de 1811 à 1814 juste le temps d’apprendre la langue du pays, et dès la débâcle Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard traverse le pays pour fuir les évènements : Amsterdam, Harlem, Leyde, Rotterdam. Il doit vendre ses instruments géodésiques, son habit brodé et son chronomètre afin de gagner Dordrecht puis Anvers. Sans le sou, il travaille alors comme conducteur des travaux pour la marine de Helwoetsluys. Les chasseurs de Bülow arrivant, JBAM Jobard prend alors la direction de Lille puis de Paris. Arrivé sur les hauteurs de Belleville on l’attela à une pièce de canon, mais le servant de l’arme s’étant fait grièvement blesser, JBAM Jobard part alors défendre Langres assiégée. Il en sortira avec le grade de lieutenant et rentrera à Baissey, à la fin des évènements, avant de repartir bientôt pour la Hollande, achever les travaux du cadastre, qu’il quittera à cause des ineptie de son supérieur. De là il se rendra à Bruxelles où il fondera en 1818 la première lithographie du monde. De 1818 à 1830, il y gagne deux millions et reçoit le premier prix au concours général de la Société d’encouragement. La révolution de 1830, et la faillite de ses créanciers, le ruine ; il se fait alors journaliste, moraliste et inventeur. Il trouvait dans la presse le moyen de promouvoir et de défendre ses idées, ce qui n’empêchait pas la gaieté et la facétie ; « son style était clair, il était vulgarisateur par excellence, même dans les matières les plus difficiles et les plus obscures de l’industrie et de la science. Il étonnait par des saillies et par des allusions inattendues où éclatait son immense érudition et son jugement fin des hommes et des choses. Il maniait habilement l’arme de l’ironie et il terrassait ses adversaires en jouant. Spirituel causeur, il semblait converser toujours en écrivant, et même en s’élevant dans les nues il ne quittait jamais la terre, et aux choses les plus sublimes et les plus grandioses, il mêlait souvent des trivialités qui surprenaient et dépistaient le lecteur, tellement que celui ci se demandait étonné si ce qu’il venait de lire était sérieux, ou si l’auteur avait voulu plaisanter…[31] ». Le journal Le Progrès à une toute autre approche du personnage : « … Savant fantasque, on trouve dans sa forme littéraire les mêmes pointes, les mêmes allures capricieuses que dans son génie primesautier ; très sujet à la contradiction, mais toujours original, hardi, sincère dans ses paradoxes, il est le pamphlétaire des érudits et le vulgarisateur des sciences réservées au petit nombre. Il a le regard perçant et la phrase aiguë ; son esprit humoristique n’est pas toujours irréprochable, il en est de même de son orthodoxie scientifique… ». JBAM Jobard à d’ailleurs sa propre philosophie à ce sujet : « Je conseille aux hommes d’un mérite réel, d’employer la moitié de l’esprit qu’ils ont, à cacher l’autre moitié ou à se procurer quelque maladie chronique, qui les rende morose ou bourrus : moyens certains de captiver les suffrages de leurs concitoyens. Celui qui se porte bien et n’a pas la conscience bourrelée rit et plaisante volontiers ; on dit alors de lui : ce n’est pas un homme sérieux. S’il marche allègrement, faute de cors aux pieds, on dit : c’est un homme léger. S’il fait des vers, on le regarde comme incapable de rédiger une circulaire ministérielle. En revanche, je connais beaucoup d’hommes qui doivent leurs succès à quelque infirmité cachée, qui les préoccupe sans cesse. Et comme ils ne discutent jamais, leur silence imperturbable captive la confiance. Comme ils ne s’émeuvent pas de peur de déranger leur bandage, on vante leur discrétion, leur sagesse, et leur capacité indiscutable, surtout s’ils n’ont rien écrit.[32] ». Quoi qu’il en soit, tout le monde est surpris par le personnage. Milon de Villiers, ex auditeur au Conseil d’Etat, fait un article, en 1855, dans l’Illustration et y dit : « tout ce que j’y ai trouvé de science réelle, de philosophie positive et de vérités saisissantes est incroyable… ». Lorsque le baron de Humboldt [33]traversait la Belgique pour se rendre à Paris, l’ambassadeur de Prusse l’invitait à sa table ainsi que JBAM Jobard sans lequel Humboldt ne voulait pas dîner. S.A.R. le duc d’Orléans, Ferdinand Philippe, ayant lu le rapport fait par Jobard pour l’exposition de 1839 lui fit parvenir un crayon d’or, orné d’un gros diamant, accompagné du billet suivant : « Quand on sait si bien prendre des notes, il ne faut pas perdre son crayon ; si cet accident vous arrivait jamais, veuillez vous servir du mien.[34] ». Comme le personnage dérangeait, il n’était pas toujours reconnu ; ni même le bienvenu. Jobard avait fondé le musée de l’Industrie Belge et le bulletin correspondant, mais il était contrôlé par un comité qui ne lui permettait même pas d’écrire une ligne dans cet organe officiel. « Imprimez donc à part ces excellentes idées, et répandez les à profusion » lui écrivait le baron Séguier[35]. « Pour beaucoup, elles auront l’inconvénient de ne pas être sorties de leur cerveau…… mais vous avez peut être le tort d’avoir raison trop tôt. Dans ce siècle de lumières il y a tant d’aveugles !.. ». Jobard publia alors de nombreux livres et opuscules reconnus en France, ce qui lui valu la Légion d’Honneur[36] et la haine du gouvernement belge qui lui interdira pratiquement tout accès à ses expositions. Après avoir fait fortune, il était maintenant quasiment sans le sou, ce qui lui fit tenir les propos suivants : « Voyez la chance, à dix huit ans, j’étais ignorant et je gagnais 9000 francs par an ; aujourd’hui que j’ai travaillé cinquante ans, j’en gagne moitié moins. De sorte que, en suivant la progression inverse, si j’arrivais à être le plus savant du monde, j’en serais réduit à mourir de faim. Ah ! si j’avais suivi les conseils de mon père, si j’étais resté ignoré, je n’aurais pas aperçu les sottises de mes chefs, je ne me serais pas fait d’ennemis, je serais peut être devenu millionnaire ou ministre, comme plusieurs de mes camarades de lycée, qui ne sont pas plus bêtes que moi et qui me trouvent parfaitement bête d’être resté pauvre[37]. ». La révolution de 1848, qu’il sentait venir à grands pas, lui inspira trois apologues que son éditeur refusa de publier en l’état parce qu’intitulés « l’Egalité, la Liberté, la Fraternité »; la caricature était trop voyante, et surprenante de réalité :

L’EGALITE

A bas ! les ormes et les frênes !

A bas ! les hêtres et les chênes !

Et tous ces géants des forêts,

Qui font un éternel dommage,

A la ronce, à l’épine, aux chardons, aux genêts !

Il faut à tous égal partage,

De terre et d’air, de lumière et d’ombrage !

Sans les taillis, le gazon grandirait,

La mousse aussi s’élèverait ;

Car, devant les lois générales,

Toutes les plantes sont égales ! …

Valeureux bûcherons, frappez tous à la fois[38] ;

Obéissez à Dieu, qui parle par ma voix ;

Pas de pitié, pas de miséricorde,

Mettez moi tous ces bois en corde,

Et même les arbres à fruit ;

Et qu’à la fin de la journée ,

Tout soit tombé sous la cognée !

Enfin, c’est fait, tout est détruit !…

Vous allez voir, comme dans cette enceinte,

Va régner l’égalité sainte !

Comme tout grandira l’été,

Au soleil de la liberté !

En effet, la saison suivante,

On vit la ronce triomphante,

Monter au niveau du chardon ;

Le pas d’âne et le liseron,

Se pavaner d’un air superbe,

Au milieu de la mauvaise herbe,

Qui dominait dans le canton ;

Mais leur règne ne fut pas long.

Au bout de la seconde année,

Cette forêt guillotinée,

A perdu son égalité ;

Et la sève aristocratique,

Retrouvé son allure antique,

Présent de la divinité,

Chêne redevient chêne,

Buisson reste buisson,

Frêne redevient frêne,

Chardon reste chardon,

La mousse reste mousse,

Et tout enfin repousse

Exactement,

Comme avant.

MORALITE

Républicains, Socialistes[39],

Radicaux et Communistes,

Quand vous aurez tout rasé,

Tout démoli, tout embrasé ;

Quand vous aurez coupé la tête

A tous les gens d’esprit[40],

Le sot en sera-t-il moins bête,

Et le nain moins petit ?

LA LIBERTE

Au diable les rois et les lois,

Les remontrances de mon père

Et les contes bleus de ma mère ;

Je veux jouir de tous mes droits !

Plus de langes, plus de lisières,

Plus de croyances mensongères,

Je suis un homme ; et par ma foi,

L’homme de la terre est le roi :

Liberté chérie,

Seul bien de la vie,

Je te dois la félicité

De marcher dans ma bride et dans ma liberté ! !

- Ainsi chantait, en battant la campagne,

Un lycéen sorti des murs de Charlemagne.

La nuit vient, et la pluie, et le vent, et le froid ;

Pas de pain, pas d’argent, et pas le moindre toit

Pour abriter le pauvre diable

Durant cette nuit lamentable.

Vaine leçon

Pour ce disciple de Proudhon,

Le jour renaît, avec lui l’espérance ;

Je le savais, dit il, jamais la Providence

N’abandonna ses enfants ;

Aux petits oiseaux elle offre la pâture,

Et je vois à travers cette mince clôture

Briller des fruits succulents ;

Ma foi, sautons… pan, pan… aie, aie !

Qui tire ainsi de cette haie ?

- C’est moi, Jasmin, la fleur des jardiniers,

Qui garde les pruniers

Que j’ai plantés, que j’ai vus naître,

Et dont, pardieu, je suis le maître ;

Allons, mon beau muguet, suis-moi

Devant le procureur du roi,

Qui t’enverra, maraudeur émérite,

Méditer au fond des cachots

Sur le respect de la limite

Et la sainteté de l’enclos.

- Plutôt la mort que l’infamie,

Tuez-moi, je vous en supplie,

Ou dans le fleuve du Léthé

Je vais tenter d’une autre vie ;

-Tu n’en as plus la liberté !…

MORALITE

Ainsi votre trilogie

Citoyens républicains,

N’est qu’une cacologie,

Que vos sabres africains

Ne rendent pas plus claire…

Egalité, dans la misère ;

Liberté de mourir de faim ;

Et, pour couronner l’affaire,

Fraternité de Caïn !

LA FRATERNITE

Deux jumeaux s’aimaient d’amour tendre,

L’un pour l’autre à mourir tout prêts, à les entendre.

Sur un vaisseau royal ils montent, mais, hélas !

D’un horrible naufrage

Le royal ne les sauva pas.

Tous deux, pleins de courage,

S’élancent à la nage,

Comme un brave marche au trépas,

L’un chargé d’or et l’autre sans bagage.

- A moi, dit celui-ci, ce morceau d’aviron ;

A moi cet affût de canon.

Avec de l’eau jusques au buste,

Je me sens assez robuste

Pour gagner le port.

Mais mon cher frère, hélas ! il sera mort,

Englouti sous quelque lame :

Que Dieu veuille avoir son âme !

- Ami ! s’écrie une voix

Aux abois :

Me voici ; vite une place

Près de toi ; l’or me pèse et je me lasse.

Vois tu cet affreux requin ?

Oh ! pour Dieu, tends-moi la main !

- Un requin, c’est une autre affaire !

Dit l’autre, en attrapant la bourse de son frère,

Quand il t’aura dévoré,

Moi, j’en serai délivré

Et pourrai joindre la rive.

Eloigne toi, vogue en dérive,

Ou d’un coup de cet aviron

Je t’assomme, dit il avec un gros juron.

MORALITE

Je crois, en bonne conscience,

Malgré tout ce qu’on nous en dit,

Que la Fraternité finit

Où l’intérêt privé commence.

Si à la lecture de ces fables les thèses socialistes ne semblent pas recueillir son aval, il n’est pas plus tendre pour le libéralisme puisqu’il assimile le monopole et la libre concurrence à des maux aussi redoutables les uns que les autres : « la libre concurrence débridée qu’on devrait plutôt appeler, comme le père Lacordaire[41], la libre déprédation, mère de la dégradation et de la démoralisation des peuples , sœur de la falsification, de l’adultération et des fraudes commerciales et industrielles de toute nature… », texte qu’il a écrit en 1858 dans ses « lettres sur le commerce et l’industrie russes au point de vue européen adressées à M. Kokoreff [42]». JBAM Jobard est alors directeur du Musée royal de l’industrie belge, chevalier de la Légion d’honneur et de François 1er de Naples ; président de la société des inventeurs français, président de l’académie nationale de l’industrie agricole et manufacturière, membre de l’Institut des Etats Unis, de l’Institut des provinces de France, de l’Institut polytechnique de Berlin, des sociétés d’encouragement de Paris et de Londres, mais encore des académies de Dijon, de Reims, de Rouen, d’Angers, de Lille, etc…[43]. Il mentionne parfois « membre étranger à l’Académie de Bruxelles » pour laquelle il répondait aux explications demandées : « Parbleu, c’est que le fait est réel, et c’est de ma faute. J’ai enfreint les statuts de la Société qui veut qu’on ait écrit un ouvrage pour être admis. Or, comme j’en ai écrit deux cents et que dépasser le but n’est pas l’atteindre, on n’a pas voulu de moi. Et puis, franchement, je n’aurais pas pu y tenir ; il m’eut été impossible d’écouter ces graves petits riens qu’on appelle fastueusement des travaux de l’Académie, je suis persuadé que si un homme de quelque valeur ne travaillait pas plus que les deux ou trois cents actionnaires de ces caisses d’épargne de l’esprit humain, on l’appellerait fainéant. Je préfère, d’ailleurs, que l’on me demande pourquoi je ne suis pas de l’Académie. Je puis au moins répondre que je suis un ignorant, ce qui n’est plus permis quand on en est. Je ne tiens pas à passer pour un homme grave, profond et sérieux : ce sont autant d’injures. On appelle, par politesse, graves, ceux qui sont lourds ; sérieux, ceux qui sont tristes ; profonds, ceux qui sont creux. Vous n’avez qu’à regarder autour de vous pour vérifier le fait. [44]». Le nombre de 200 ouvrages doit être quelque peu exagéré puisque la Bibliothèque Nationale de France n’en recense qu’une quarantaine entre 1840 et 1852, et encore faut il y inclure de nombreux opuscules de quelques dizaines de pages, traitant de sujets divers et variés tels que : « Machines à vapeur, arrêtés et instructions » en 1844 ; « Nécessité de l'instruction professionnelle » en 1847, et surtout « Nouvelle économie sociale, ou Monautopole industriel, artistique, commercial et littéraire, fondé sur la pérennité des brevets d'invention, dessins, modèles et marques de fabrique » en 1844, qui le fera connaître comme économiste. « L'infatigable M.Jobard, est un grand partisan d'un droit de propriété absolu sur les inventions »[45] , et plusieurs de ses ouvrages traiteront de ce sujet même s’il confond droit de propriété et monopole. Il n’en est pas moins à l’origine de la première loi sur le sujet qui donnait, en six articles, les fondements dont la législation actuelle s’inspira. Il est aussi inventeur puisque les comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences et de l’Institut de France de janvier à juin 1855 s’en font l’écho grâce à un porte parole aussi célèbre que le baron Séguier[46] : « J’ai l’honneur de présenter au nom de M.Jobard, directeur du musée industriel belge, un petit appareil élévatoire d’eau sans piston, à l’aide de l’élasticité d’une boule de caoutchouc et de deux soupapes de même nature fonctionnant comme certains organes du corps humain…. ». Il s’agit d'une pompe en caoutchouc, à pression intermittente et à jet continu sans pistons ni soupapes qui sera présentée à l’illustre académie lors d’une séance ultérieure[47]. Peu de temps après, Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard adresse à la même Académie des sciences une note physiologique traitant « de la myopie et du presbytisme » dans laquelle il explique comment en guérir grâce à une gymnastique oculaire bien peu convaincante puisqu’il conclut qu’ « on peut s’habituer à ce régime violent, mais les conséquences peuvent en être fatales… ». Il avait aussi breveté en 1826 un « fusil à quatorze coups », soit bien avant le revolver du colonel Colt, inventé la « plume intarissable » avec son ampoule en caoutchouc contenant l’encre, ancêtre du stylo plume, « le chemin de fer électro-pneumatique » ; ou encore le « gaz à l’eau » qui a permis l’éclairage de quelques villes dont Dijon et Anvers. Toujours prêt à rendre service il n’hésitait pas à patronner tout inventeur, n’eut il que peu de mérites, pourvu qu’il y eut du bon sens dans son idée ou dans sa découverte ; il s’était dit « qu’il y avait là une source inépuisable de richesses qui tombent chaque jour de l’arbre de la science dans le fleuve de l’oubli…[48] ». Bienveillant, c’était également un humaniste plein de bon sens dont les écrits laissent parfois transparaître son éducation chrétienne: « laissez déblatérer les humanimaux qui ne connaissent et n’estiment que les jouissances de la matière. S’il y a tant de mal sur terre et si peu de bien, l’explication en est simple, c’est que la terre est un lieu d’expiation et d’épuration ; vous pouvez donc vous regarder tous comme des repris de la justice divine plus ou moins avancés, plus ou moins corrigés ; le plus prudent est de vous méfier de tout le monde, tout en vous entraidant, vous tolérant et vous aimant comme des frères aussi malheureux les uns que les autres depuis le roi jusqu’au mendiant ; mais sachez qu’il y a parmi vous de grands esprits en mission de dévouement, comme il y a des aumôniers dans les prisons, suivez leurs conseils et ne les crucifiez pas, car c’est pour votre rédemption qu’ils se sont incarnés parmi vous… [49]». Il croit dans « un avenir prochain qui sera le règne de Dieu dans l’humanité destinée à n’avoir qu’une seule religion, une seule patrie, un seul langage et à ne former qu’une seule famille.», mais à d’autres moments[50] il est en relations suivies avec les gnomes et les farfadets des tables parlantes. Ainsi lorsque Humboldt lui pose la question, à la fin d’un dîner, JBAM Jobard lui répondit par ce vers « il est vrai que les bois sont égaux en essence ; c’est ce qu’on en extrait qui fait la différence. ». Jobard prétendait que ses meilleures inventions et épigrammes lui avaient été soufflés par les esprits, et il entretenait une correspondance régulière avec Allan Kardec[51] lui faisant les comptes rendus des centres spirites qu’il visitait, encore quelques mois avant sa mort en 1861, comme à Metz. Intéressé par tout, il se permettait parfois des prédictions hasardeuses et difficilement crédibles puisqu’il pensait qu’il viendra un temps « où la terre sera constituée dans l’unité et ou elle ne sera plus séparée comme elle l’est actuellement par les mers. » qu’il y aura émergence de nouveaux continents, de nouveaux germes d’hommes et d’animaux….

Le parcours professionnel de Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard est jalonné de nombreux voyages en Angleterre, Allemagne, Suisse et France, au cours desquels il participait à des salons comme membre de jury. A cette occasion il revint en Haute Marne, à Saint Dizier en 1855, mais ne semble pas être retourné dans son village natal, même en allant à Dijon. Il avait épousé à Bruxelles en 1821 Louise Anne Aménaïde QUILLAU, qui ne lui à pas donné de descendance, et est décédé à Bruxelles le 27 octobre 1861. Ayant trop bousculé, trop dérangé, peut être trop critiqué, il n’eut droit qu’à des obsèques sans pompe ni honneur officiel. Seuls deux anciens ministres, et Proudhon ont suivi le cortège funèbre.

1c2 Jean Baptiste Alphonse JOBARD, naît à Baissey le 12 pluviôse an II (31/01/1794). Si son enfance est mal connue, on le retrouve comme jeune étudiant au collège de Langres où il faisait avec succès l’apprentissage de la grammaire, de la rhétorique, ses humanités, et avait commencé ses cours de philosophie et de mathématiques[52]. En effet, Alphonse Jobard à participé à la célèbre de bataille de boules de neige, de janvier 1810 sur la place Chambeau, qui a donné lieu au poème « la Pitoyade[53] » et qui nommait tous les protagonistes de cette distraction hivernale. Il combattit à cette occasion avec, ou contre, le futur cardinal Morlot qui était également potache à cette époque[54]. Alphonse en est sorti en 1814 quelques temps après l’entrée dans Paris des troupes Russes. Le tsar s’était ainsi affirmé comme le grand vainqueur des armées napoléoniennes. Quelques semaines auparavant, il avait séjourné à Chaumont et à Langres avec ses troupes fortes de plusieurs milliers de personnes. Celles ci logeaient dans les villages environnants, y étaient plus ou moins bien accueillies comme à Vieux Moulins, où des charretiers russes avaient été massacrés par les villageois[55], mais elles rencontraient parfois de la compréhension voire de l’admiration de la part de la population. Ce fut certainement le cas d’Alphonse Jobard qui au lieu de suivre son frère aîné aux Pays-Bas préféra prendre la direction de l’est.

En 1815 il fut remarqué pour son intelligence par un officier russe Fircks, seigneur de Lesten et Samiten dans l’actuelle Lettonie. La famille Von Fircks originaire de la Baltique, est citée depuis 1306 et est immatriculée dans la 1ère classe de Courlande (Lettonie) depuis 1620 ; elle sera autorisée à porter le titre de baron en Prusse en 1844 à Berlin et en Russie à partir de 1853.

Alphonse Jobard le suivit donc en Russie pour y faire l’éducation de ses enfants. Il le quittera le 14 mai 1817[56], après dix huit mois de « bonnes mœurs et conduite exempte de tout reproche », parce que Von Fircks et sa famille devaient repartir à l’étranger. Parallèlement à son rôle de précepteur, Alphonse Jobard est accepté comme étudiant en langue grecque à l’université de Mitau (Ielgava). Dans le même « gymnase », il suivra également les cours de mathématiques, arithmétique, géométrie, histoire, géographie, et de langues allemande et latine.

Il en sortira pour enseigner la langue française dans celui de Riga à partir du 12 juillet 1817, et ce jusqu’au 30 août 1820. Pendant la première quinzaine de septembre, de la même année, il se rend à Saint-Pétersbourg où il se fait engager, le 16 suivant, comme maître de langue française à la communauté des demoiselles nobles du couvent de Smolny[57]. Le monastère commencé en 1748 ne sera achevé qu’en 1834, mais dès 1764, Catherine II[58] y installe une société vouée à l’éducation des jeunes filles de la noblesse. A partir de 1796 Maria[59] Féodorovna[60] continuera à y apporter son soutien et le fera jusqu’à sa mort en 1828. Afin d’être admis dans cette institution, Alphonse Jobard a du présenter un certificat de connaissances et de bonne conduite, subir un examen relatif à sa culture et à ses méthodes pédagogiques, puis recevoir l’approbation de l’impératrice mère avant d’y enseigner. Les éducateurs de cet institut constituent un milieu de haute culture, très hiérarchisé et structuré, mais avec un contrôle de tous les instants. Il logent sur place. Selon les classes, les sections, et pour un total hebdomadaire variant de 27 à 30 heures, l’apprentissage de la langue française représente entre trois et neuf heures, soit parfois plus que la langue maternelle des jeunes élèves qui doivent également y apprendre l’allemand. La réputation de cet Institut est connue dans le monde entier et tous les illustres étrangers demandent la permission de le visiter ; ainsi Sophie de Choiseul-Gouffier[61] raconte-t-elle dans ses mémoires une visite de l’établissement : « Le costume est le même qu’à Sainte Catherine[62]. On me fit traverser un corridor qui sert de promenade d’hiver ; il a mille pas de longueur, et il est ciré. Les bâtiments sont beaux et bien entretenus ; on y jouit d’une vue magnifique sur la Neva et le palais de la Tauride. Pendant que je visitai les dortoirs, les salles de récréation, on fit passer toutes les classes dans la salle à manger : je fus véritablement frappée du coup d’œil que m’offrit la vue de ces quatre cent jeunes personnes vêtues uniformément…. » A la fin de l’année scolaire, le 16 juin 1821, Alphonse Jobard changea d’établissement pour intégrer l’institut des orphelines militaires de St Petersbourg, fondé en 1819. Il en prendra congé le 29 juin 1822 et recevra de sa majesté l’impératrice Marie Féodorovna une boite en or, et un témoignage de sa reconnaissance, en récompense de ses bons et loyaux services. Parallèlement, il a subi devant l’université de Saint-Pétersbourg des examens attestant de sa connaissance des langues grecque latine allemande française et est élu, le 13 avril 1822, professeur public de littérature grecque latine et d’archéologie. Toujours à la même époque il fait parvenir à l’impératrice ses écrits sur « le langage humain en général et sur la langue française en particulier [63]». Il reçoit l’approbation du ministère des cultes et de l’instruction publique pour son programme sur « l’enseignement de la littérature grecque et latine ». On le retrouve alors enseignant la langue française aux étudiants de l’université de Kasan’. Annexée définitivement par Ivan le Terrible en 1552, Kasan’ devint un important centre administratif, commercial, industriel et culturel au XVIIIème siècle et connut un nouvel essor à la fin du XIXème. Son université qui date de 1804 est l’une des plus ancienne et des plus réputées de Russie[64].

Alphonse Jobard est ensuite nommé, le 18 juillet 1823, inspecteur des écoles au gymnase de la ville d’Astrakan.

Poursuivant les montagnes blanches, la Volga traverse l’une des plus belles régions de son bassin. Le relief élevé et accidenté formait une véritable forteresse pour les Cosaques. Aux environs de Samara le fleuve est pratiquement au niveau de la mer d’où il se dirige, vers son delta, à travers la steppe argilo-sablonneuse. Astrakan qui s’étale aujourd’hui sur onze îles séparées par des canaux et des ruisseaux était baignée, au XVIIIème siècle, par les eaux de la mer Caspienne. Elle en est aujourd’hui distante de 100 kilomètres. Comme tous les inspecteurs, Alphonse Jobard se voit attribuer trois missions : le choix des maîtres, le suivi des études ainsi que le soin des livres et des élèves. Il n’y reste que quelques mois avant de revenir à Kasan’ le 4 octobre 1823 ; ville qu’il quittera à sa demande le 5 septembre 1824 pour inspecter à nouveau des établissements scolaires à Kasan’ puis à Saint-Pétersbourg. Il y enseigne alors le français à l’Ecole Centrale du Génie pendant un peu plus de deux ans, soit du 28 octobre 1824 au 1er mai 1826, puis, simultanément, à compter du 17 février 1827 à l’Institut Marie[65] où il professe également l’histoire géographie, tout en continuant à inspecter des écoles jusqu’au 27 décembre 1828.

Il reçoit alors par un ukase du sénat dirigeant en date du 12 novembre 1828 la croix de chevalier de l’ordre de Saint Vladimir de IVème classe[66], consécration de sa carrière d’enseignant et d’inspecteur de l’Instruction Publique. Il doit cette distinction à sa protectrice Maria Féodorovna qui en avait émis le souhait avant son décès.

Puis on perd un peu sa trace alors qu’il est conseiller de cour auprès de l’empereur[67], et chargé d’enseignement à Moscou, avant de le retrouver dans un cachot, enfermé par le ministre de la justice Djakoff. Auparavant il avait eu, par trois fois, affaire aux tribunaux et avait été soumis à un examen mental qui avait conclu qu’il jouissait pleinement de ses facultés intellectuelles; les tribunaux ayant conclu dans leur sentences de 1830 et 1831 de le congédier, à sa demande et définitivement, de tous ses emplois et de lui payer la totalité des appointements arriérés suspendus depuis 1824[68] ainsi qu’une pension viagère pour avoir été poursuivi abusivement. Malgré cela, et au « bon vouloir » du ministre, il croupissait en cellule depuis huit mois quand le baron de Barante[69], ambassadeur de France en Russie intervint en menaçant de tout dévoiler à l’Empereur qui n’était pas au courant de cette détention arbitraire. On peut toutefois douter des bienfaits d’une telle intervention car le tsar Nicolas Ier[70] qui pratiquait une politique de russification à outrance en Pologne mettra, quelque années plus tard, sous surveillance les professeurs des universités, leurs élèves, et fermera la Russie aux étrangers et à leurs livres[71]. Cette première moitié du XIXème siècle fut marquée par des interrogations sur la place de la Russie dans le monde, sur sa spécificité, sur les analogies et les différences entre la dynamique socioculturelle russe et celles de l’Orient et de l’Occident. Au même moment se développent parallèlement deux puissants courants de la vie publique et intellectuelle : les occidentalistes et les slavophiles. 1825 et l’écrasement des décembristes[72] avait marqué la fin de l’influence des idées politiques françaises, « le libéralisme héroïque de la noblesse cultivée se transforma en un libéralisme livresque, un doctrinarisme plus ou moins savant, et naturellement impuissant [73]», pour se tourner vers la philosophie classique allemande. « l’Allemagne, voilà la Jérusalem de l’humanité moderne, voilà ou les regards doivent se tourner avec espérance, voilà d’ou viendra un nouveau Christ qui, cette fois, ne sera pas traqué, couvert de plaies et couronné d’épines, mais rayonnant de gloire[74] ». En 1833 Serge Ouvarov[75], ministre de l’instruction publique, avait entrepris une réforme du système éducatif estimant que l’enseignement doit être donné dans des «…principes foncièrement russes, gardiens de l’orthodoxie, de l’autocratie et de l’idée nationale ». Les professeurs étrangers sont alors remplacés par des maîtres russes dont les convictions politiques sont fiables.

Finalement dans la nuit du 4 au 5 janvier 1837 le comte Ouvarov fit conduire Alphonse Jobard, sous escorte, aux frontières de l’Empire, laissant derrière lui bibliothèque, manuscrits et autres mobiliers.

Quelles en sont les raisons ? De pamphlet contre le tsar, jamais il n’en fut question ; le prétendu motif d’Ouvarov était « désobéissance à des ordres » et la rapidité d’extradition était justifiée par « suite de volonté de l’Empereur ». Alphonse Jobard prétend quant à lui qu’ayant été détenu abusivement pendant plusieurs mois, Ouvarov aurait craint l’intervention de Barante auprès du tsar. Quoi qu’il en soit, il n’est plus le bienvenu en Russie et semble rentrer en France à cette date.

Trois années pendant lesquelles nous ne savons rien de lui, si ce n’est qu’à cette occasion il apprit qu’un « crime avait été commis dans son village depuis son absence, et que les accusés avaient été acquittés par le tribunal de Langres », qui avait à sa tête le juge Bardonnaut. Il se mit en œuvre de trouver de nouvelles preuves de la culpabilité des deux meurtriers, et fit réouvrir le procès qui aboutira à la condamnation à mort des accusés. Par la suite « il se mit à chansonner la justice de Langres dans une complainte qu’il composa sur le crime de Baissey ». Cette fois encore il fut condamné à être emprisonné, quant il se décida à prendre de la distance avec une justice bien peu encline à l’humour !

A partir du 17 septembre 1840 il participe à l’éducation des trois fils du Comte Dessewffy, seigneur de Csanek et Tarkoe, premier lieutenant de la garde de Petsch.

La maison Dessoffy de Csernek et Tarko[76] a pour premier auteur connu l'un des chefs illustres qui aidèrent à fonder la monarchie hongroise. Ce guerrier célèbre se nommait Deso ou Desew. Ses descendants obtinrent, en 1076, la forteresse de Csernek et d'immenses propriétés leurs furent données dans le comté de Poséga en Esclavonie. C'est à partir du XIIIe siècle que cette maison, s'étant divisée en plusieurs rameaux devenus souches de nouvelles familles, adopta exclusivement pour la branche aînée de sa race le nom de Deso, auquel elle ajouta plus tard la syllabe ffy, qui en hongrois signifie fils, voulant ainsi conserver à jamais le souvenir des illustrations acquises par ses ancêtres. La branche aînée, à son nom patronymique de Dessoffy, ajouta d'abord celui de la forteresse de Csernek, en souvenir de la donation de 1076 , et y joignit en 1556, celui de l'autre forteresse de Tarko don royal du roi Ferdinand Ier d'Autriche dans le comté de Saaros.

Alphonse Jobard quittera la famille Dessoffy le 17 septembre 1841. Que fit il pendant cette période ? Professionnellement parlant la question reste posée, mais il adresse des vers au comte de Chambord en 1841 et essaye toujours de percevoir ses arriérés de traitement de Russie ainsi que la reconnaissance de ses titre[77] et décoration. Casimir Périer[78] en mission pour Louis Philippe dans ce pays lui fait parvenir à ce sujet un certificat par l’intermédiaire du vicomte de Saint Aulaire chargé d’affaires de France à Vienne. On le retrouve finalement à dans la capitale autrichienne, comme professeur de langue française auprès de la garde noble de 1845 à 1849.

Pendant cette période survint la révolution de 1848, poussée d’appétits populaires au premier rang desquels on trouva les étudiants déchaînés par les adeptes de la théorie des races voulant réaliser leur unité. Libéraux et patriotes assistent à l’envol de leurs espérances alors que partout les dynasties ressaisissent l’autorité qui leur avait un instant échappé. A Vienne, étudiants et bourgeois s’insurgent. Metternich[79] démissionne et se réfugie à Londres. Le gouvernement accorde la liberté de la presse et octroie un statut aux pays autrichiens, Hongrie et Lombardie exceptées. Le parlement voit une querelle entre députés allemands, démocrates et slaves qui aboutira à l’assassinat du ministre de la guerre. Finalement l’empereur abdiquera en faveur de son neveu, François Joseph[80], et les impériaux prendront l’offensive ; mais comme les populations slaves étaient hostile à une domination qu’ils qualifiaient d’abusive, le tsar de Russie Nicolas I, qui redoutait la contagion des idées libérales et le soulèvement de la Pologne, viendra au secours de François Joseph pour ramener le calme. Pendant cette période de troubles Alphonse Jobard a défendu la dynastie en place, ainsi que la religion catholique. Il en profita même pour écrire un pronostic en latin sur la devise de l’empereur d’Autriche, dont il obtiendra un agrément en 1853, et dont le sixième distique a été publié par le journal ecclésiastique de Vienne le 30 janvier 1851 : « Viribus unitis moresque fidemque reducet ; Altari pacem raptaque jura dabit[81] ». Cependant, cette année là sa moralité semble être remise en cause puisqu’il se voit délivrer une attestation signée par vingt six notables, habitants, de Vienne qui le connaissent personnellement et que « avant, pendant, et après la révolution que nous venons de subir, (il) s’est montré toujours et partout, en paroles et en actions, et souvent même au péril de ses jours, comme le plus zélé partisan et défenseur de la religion catholique, et de la dynastie qui règne aujourd’hui glorieusement sur l’Autriche». La même année il en obtient également une de la commune de Maria-Zell, dans laquelle il a résidé en 1848, qui loue également sa conduite morale et religieuse.

Cherchant toujours à faire reconnaître ses droits conformément aux jugements de 1830 et 1831, rendus en Russie, il fait part de ses difficultés et problèmes à différents ecclésiastiques français, et non des moindres : Monseigneur Parisis évêque d’Arras, le cardinal Mathieu archevêque de Besançon, et le cardinal Morlot[82] archevêque de Paris, qui tous l’encourageront à soutenir la « cause de la justice et de la loyauté ».

Alors qu’il venait d’obtenir un passeport de l’ambassadeur de France lui donnant aide et protection, valable pour la France, les Etats Pontificaux, la Turquie, la Prusse, la Bavière et la Saxe le 22 juillet 1857, il finira par se faire expulser d’Autriche.

Cette fois il fut conduit avec ses effets personnels, mais sous escorte, à Trieste d’où il a été embarqué sur le bateau à vapeur à destination d’Ancone le 5 novembre suivant. Après avoir passé un an à Rome, Alphonse Jobard a été jeté dans un cachot au fort Saint Ange, puis expulsé des Etats Pontificaux sans enquête ni jugement le 22 décembre 1858 alors qu’il venait d’obtenir une audience, auprès du Saint Père ; et à laquelle il ne pourra se rendre.

Arrivé à Naples, et sans moyens d’existence, il obtiendra au bout de dix huit mois d’attente l’autorisation d’y enseigner la langue française et ce grâce au soutien du Roi. Autorisation tout d’abord provisoire le 6 septembre 1860, puis rapidement définitive. Ce qui n’empêche pas Alphonse Jobard d’être conduit « sous escorte et en plein jour, les fers aux mains, et accouplé à des voleurs » au tribunal correctionnel le 20 novembre 1860 après avoir passé quarante jours au cachot, soupçonné d’avoir « proféré des paroles séditieuses » contre le gouvernement….alors qu’il était menacé par le couteau d’un agresseur ! ! Il sera finalement blanchi de tout reproche et remis en liberté. A partir de cette date il professera dans sa propre école, et selon sa « méthode logico-synoptique muette », la langue française Vico S.Mattia N°7 à Naples.

Il se met alors à écrire ses « mémoires inédits sur la Russie, la France, l’Autriche, Rome et Naples [83]» dont un bref extrait, conservé aux Archives Départementales de Haute Marne sous la cote Barotte 732 mais attribué par erreur à son frère[84], relate de manière quelque peu confuse ses démêlés avec la justice des pays où il fut emprisonné. Véritable pamphlet, ce résumé de trente sept années de lutte montre un personnage énergique, tenace et persévérant, quelque peu injurieux et aigri, parfois présomptueux. Mais qui ne le serait pas au travers de toutes ces péripéties destinées à rentrer dans ses droits, percevoir ses arriérés de salaire[85], et retrouver son honneur ?

A la lecture de certains passages, on comprend qu’il ait été rapidement « persona non grata » dans les pays traversés: «…mes persécuteurs et leurs complices, entr’autres, Kakochkine, les secrétaires de l’ambassade de France, ainsi que le sieur Baudin consul de France à Naples, Casimir Périer et Castelbajac à St: Pétersbourg ; Delacour et Dequer à Vienne Gramont, Mangin et Sampayo, Palomba et Kisseleff à Rome, gens sans foi ni loi, sans cœur ni honneur, ni justice ni humanité, ayant porté l’oubli de leur devoir jusqu’à me nier mon identité et ma nationalité, tout en me menaçant de me faire jeter de force hors de leur chancellerie respective, si j’insistais pour qu’ils reconnussent mes titres et mon emploi, tels qu’ils se trouvent désignés dans le passeport régulier que je leur mettais sous les yeux, je crois utile à ma défense et à ma justification, d’ajouter aux documens qui précèdent, d’autres documens authentiques et irrécusables, à l’appui de mes assertions, contre cette clique nombreuse de brigands privilégiés, capables de nier la lumière du jour en plein midi.

Ils ignorent sans doute, dans leur glorieuse suffisance, qu’il n’est pas de petit ennemi ici bas ; et que c’est moi qui ai fait destituer honteusement le prince Lieven, ministre de l’instruction publique ; le comte Ouvaroff, son successeur ; les ambassadeurs russes, Comte Medem à Vienne, et Kakochkine à Naples, ainsi que Scorza, ce vil et sale éteignoir que Ferdinand II avait chargé de propager les lumières dans ses états ; Capomazza, son digne collègue etc, et que je puis, quand je le jugerai convenable, faire retomber sur leurs têtes les effets de leur scélératesse, par la force irrésistible de la vérité, et l’évidence des faits ».

En Italie, il n’en continue pas moins à menacer ses contradicteurs, mais on sent qu’il a peur que soit attenté à sa vie comme ce fut le cas à Naples avant son séjour en prison: « Mes mesures sont prises, à cet effet, depuis longtemps ; de telle sorte que loin de les soustraire à la responsabilité de leurs procédés envers moi, ma mort elle-même ne ferait qu’accélérer le chatiment dû à leurs crimes, et me réhabiliterait dans l’opinion publique ; la publication des six premiers volumes de mes mémoires sur la Russie, la France, l’Autriche et Rome, devant avoir lieu immédiatement après ma mort ; ou du moins, aussitôt que le septième volume, qui contient l’exposé des persécutions que j’ai éprouvées à Naples, sera rédigé de manière à pouvoir être livré à l’impression ».

S’il est désobligeant envers ses adversaires, comme par exemple Casimir Périer qu’il qualifie d’« épicier parvenu », de « misérable foutriquet » et encore de « polisson », ou Sergueï Ouvarov le ministre de l’instruction publique « le plus inique et le plus féroce », « monstre d’orgueil et d’iniquité » ; il n’en reste pas moins reconnaissant pour le tsar de Russie : « S.M. l’Empereur Nicolas, qui m’a comblé de bienfaits », et pour l’Empereur d’Autriche, François Joseph, qui reconnaît par écrit qu’Alphonse Jobard est conseiller de Cour de l’Empereur de toutes les Russies, Chevalier de l’ordre de Saint Wladimir, et professeur actuel près de l’université de Kasan’, en ce moment (1853) à Vienne: «…m’eut-il délivré un acte authentique, qui donne un démenti formel à leurs assertions ?[86] »

Passé la date du 15 août 1861, on perd définitivement la trace de notre haut marnais. Ses mémoires ont-ils été réellement publiés ? La réponse reste à apporter sur ce point, comme sur la fin de la vie du Chevalier Jobard présumé décédé à Naples en 1872, et s’ils l’ont été ils portent inévitablement un regard critique sur le fonctionnement de l’éducation, de la justice et de l’administration dans les divers pays de l’Europe du XIXème siècle, ainsi qu’à la cour de l’Empereur de Russie à l’époque de Pouchkine[87].

1c3 Magdeleine Appollonie Eulalie JOBARD née le 16 messidor an IV (04/07/1796) à Baissey, épouse de Jean RACLOT

1c4 Jean Baptiste JOBARD, né le 10 thermidor an V (28/07/1797) à Baissey, probablement mort en bas âge.

1c5 François Alexis JOBARD, né le 22 germinal an VII (11/04/1799), décédé le 14 floréal an VII (03/05/1799) à Baissey

1c6 Jeanne Marguerite JOBARD, née le 7 germinal an VIII (07/04/1800) à Baissey

1c7 Marie Anne Joséphine Céleste JOBARD née le 02/02/1804 à Baissey , y meurt le 18/04/1893 épouse le 24/01/1848 Nicolas CORDIVAL

1c8 Joseph Antoine (dit Ambroise) JOBARD épouse en 1827 à Bruxelles Elisabeth Françoise GAUSSOIN, originaire de Fontainebleau (Née le 3 août 1803 à Fontainebleau, décédée en 1882). Il semblerait qu’il ait travaillé un peu avec son frère Jean Baptiste Ambroise Marcellin (1c1), dans le domaine de la lithographie en Belgique, avant de diriger la lithographie royale de Hollande, puis de s’installer à Dijon, comme imprimeur, où il décèdera le 18 avril 1835. Il a écrit un « voyage en bourgogne ».

GENERATIONS SUIVANTES

1c81 Mathilde Isolette JOBARD épouse en 1845 à Bruxelles Claude François Charles RACLOT

1c82 Charles Eugène JOBARD, né le 19/01/1828 à Bruxelles, marié le 06/06/1859 à Gray (70) avec Marie Aline FEBVREL. Il meurt à Dijon le 30/05/1902. Maître imprimeur, Il fonda le Moniteur de la Côte d’Or le 28 décembre 1854, avec le baron Paul Thenard membre de l'Institut. Journal officiel de la préfecture, la tutelle administrative finit par déranger Eugène Jobard qui demande son indépendance le 2 septembre 1867. Celle ci donnera alors naissance à l’Impartial Bourguignon. En 1868 il rachète l'Union Bourguignonne avec laquelle il fusionne pour créer un quotidien républicain, le Bien Public[88], qu’il dirigera jusqu’à sa mort[89]. Il publia aussi quelques livres : « Utilité des abeilles, la première ruche » en 1889, « Essai sur l'histoire de la moutarde de Dijon » en 1892 et « Notre Procès. Une page de l'histoire de la presse dijonnaise, 1854 à 1870 » en 1894, ainsi qu’ un volume de souvenirs sur les affaires municipales de la ville de Dijon « le carnet de Fortunio [90]» en 1865.

1c821 Paul Henri Emile Stéphane JOBARD naît à Dijon le 19/05/1860, y meurt le 23/01/1907. Fait ses études au collège Saint Ignace, puis à la faculté de Dijon où il obtient une licence de droit. Il travaille alors à l’imprimerie paternelle dont il prendra la direction en 1893 après en avoir gravi tous les échelons. Il accèdera également en 1902, après la mort de son père, à la direction du Bien Public. Président du syndicat des maîtres imprimeurs dijonnais et de l’union des maîtres imprimeurs de France, Paul Jobard s’intéressait également à l’archéologie, à l’histoire locale, et sera membre de plusieurs sociétés savantes. Il publiera plusieurs travaux, dont « L'Archéologie sur le terrain » et « Les Enceintes défensives antiques dans la Côte-d'Or, essai de nomenclature... ». Paul Jobard sera assassiné par un de ses employés Marcel Jadot, un étudiant déséquilibré, qui travaillait au journal. Il pénétra « place Darcy, dans sa maison, se glissait par l’escalier de service dans la chambre où M. Jobard fils, homme de 20 ans, reposait, malade , et tirait sur lui deux coups de revolver qui l’atteignirent à l’aisselle et à l’estomac. Accouru au bruit des détonations, de la chambre voisine, où il était, M.Paul Jobard essuya à son tour, de la part du forcené, quatre nouveaux coups de feu. Atteint à la poitrine, il s’affaissa dans son sang. Le meurtrier prit la fuite. En dépit de tous les soins qui leurs furent prodigués, les deux victimes de ce drame devaient succomber à leurs blessures[91] ».

1c8211 Eugène JOBARD, né en 1886 sera assassiné, en 1907, en même temps que son père.

Ainsi s’éteignit prématurément la lignée issue de Denis Jobard. Certains membres ont été considérés comme chansonniers pour leur éloquence ou leurs écrits parfois caustiques enterrés aujourd’hui, sans espoir d’exhumation, dans la concession perpétuelle de l’oubli. Beaucoup ont laissé des ouvrages montrant ainsi leur immense culture, conseillant parfois, défendant leur point de vue, luttant contre l’injustice ou pour garder leur indépendance, mais nul ne s’est pour autant cru sorti de la cuisse de Jupiter[92].

Didier DESNOUVAUX


[1] On croyait que la joubarbe pouvait servir de paratonnerre d'où son nom de Jovi Barba, barbe de Jupiter (dieu de la foudre)

[2] Archives Départementales de Haute Marne. Barotte 729. Extraits du journal La Célébrité. 1861.

[3] Sur la base de renseignements généalogiques communiqués par Mmes Goiset et Chané.

[4] La mère d'Hercule a été séduite par Jupiter.

[5] Prudent Bourdillat et Marie Sainctot auront au moins six enfants dont trois trouveront leurs conjoints parmi ceux de Claude Jobard et Anne Ladmiral

[6] Louis Marie Joseph Eusèbe Caverot naît à Joinville le 26/05/1806 et décède à Lyon le 23/01/1887. Evêque de Saint Dié puis archevêque et enfin cardinal de Lyon.

[7] Rondot : Histoire de la mère Marie de Jésus. Paris 1889. Page 26

[8] Bresson : Marguerite Jobard, dossier de sa condamnation. Langres 1911. Page 53

[9] Roussel : Le diocèse de Langres. Tome II page 332.

[10] Bresson : op. cité page 63

[11] Rondot : op. cité page 9. M.Petit, le père d’Aspasie, retrouvera la foi chrétienne grâce à Jean Baptiste Jobard.

[12] Bresson : op. cité page 65

[13] Rondot : op. cité page 27

[14] Bresson : op. cité pages 18-19.

[15] Une des lettres conservée aux Archives Nationales raconte les détails de la maladie et de la mort de Simon Jobard.

[16] Semaine Religieuse de Langres du 22/11/1884.

[17] Journal de la Haute Marne du 16/05/1995.

[18] Cahiers Haut Marnais numéro 36 de 1954.

[19] La Croix de la Haute Marne du 18/06/1994.

[20] Sa lettre ne contient pourtant qu’une allusion au mariage d’un curé républicain.

[21] Selon d’autres sources ce serait le 8 thermidor an II, mais l’abbé Bresson qui a consulté toutes les pièces du procès confirme la date du 5 messidor.

[22] Journal de la Haute Marne. Op.cité.

[23] A noter que l’ordre de naissance des enfants n’a pas été respecté pour Claude, il aurait du porter le numéro 1a, mais pour la présentation du récit il est préférable de le mentionner en fin de liste.

[24] ADHM Barotte 729. Extrait du journal La Célébrité. Paris 1861, dont le rédacteur en chef Luthereau était un ami de JBAM Jobard, lui même fondateur de ce périodique.

[25] Bresson : op. cité page 3

[26] Semaine Religieuse de Langres du 06/11/1881

[27] Revue de Champagne et Brie tome16. Arcis sur Aube 1884. On peut toutefois en douter, puisqu’il ne figure comme maire que dans l’annuaire de 1804 et ne semble plus y être à partir de 1809.

[28] Revue de Champagne et Brie tome16. Arcis sur Aube 1884.

[29] Physicien et géologue, Hippolyte Walferdin naît à Langres le 08/06/1795 et meurt à Paris le 25/01/1880.

[30] ADHM Barotte 729. Op.cité.

[31] ADHM Barotte 728. Extraits de l’Industriel français. Pezzani. Lyon 1862

[32] Revue de Champagne et Brie. Op. cité.

[33] Célèbre naturaliste allemand (1769-1859).

[34] Barotte 729. Op. cité.

[35] Lettre du 6 mai 1843.

[36] Il en aurait été fait officier, mais JBAM Jobard ne se déclare que chevalier. Voir infra.

[37] Revue de Champagne et Brie. Op. cité.

[38] Ne figure pas dans la première version, mais alors le vers est incomplet puisqu’il n’y a pas de rime.

[39] Dans la « Nouvelle économie sociale, ou Monautopole industriel, artistique, commercial et littéraire: fondé sur la pérennité des brevets d'invention, dessins, modèles et marques de fabrique ». 1844, Socialistes est remplacé par Babouvistes.

[40] Dans l’édition de 1844, le vers est le suivant : « A tous les grands, à tous les gens d’esprit, »

[41] 1802-1861. Célèbre prédicateur français dont la famille est également originaire du sud haut-marnais.

[42] ADHM Daguin 827

[43] Il était membre de 27 sociétés savantes et vice président de l’Institut polytechnique universel.

[44] ADHM Barotte 831

[45] In : Les brevets d'invention et les droits d'auteur. Bertrand Lemmenicier (Professeur à l'Université de Paris II Assas et Paris IX Dauphine)

http://www.demlib.com/netlib/netlibre/lemmenicier.htm et http://www.lemennicier.com/

[46] http://gallica.bnf.fr/

[47] D’autres inventions lui sont également attribuées : Le chemin de fer électro-pneumatique, les omnibus sous-marins, la gravure sur diamant, la lampe du pauvre « qui éclairait, chauffait et au besoin cuisinait » etc…. In Vapereau. Biographie nationale de Belgique. Musée de l’industrie de Belgique.

[48] Propos de JBAM Jobard, lui même, repris par le Journal de Bruges du 16 mai 1861

[49] ADHM Barotte 728. Lettre du 25 juillet 1861 écrite de Metz.

[50] Dès 1849-1850 il s’intéresse au spiritisme.

[51] Hippolyte Léon Denizard Rivail dit Allan Kardec, 1803-1869, philosophe spécialiste des sciences occultes.

[52] Lorrain. Vie de M. l’abbé Lorrain ancien supérieur des séminaires, chanoine de la Cathédrale de Langres. 1888

[53] L’abbé Roussel : Le diocèse de Langres, histoire et statistique. 4 volumes. 1879

[54] Même si l’abbé Roussel le confond avec son frère, Jean Baptiste Ambroise Marcellin et lui attribue cette bataille pacifique, c’est bien Alphonse qui était au collège de Langres en janvier 1810 ; JBAM était alors à Dijon.

[55] Steenackers. L’invasion de 1814 dans la Haute Marne. 1868.

[56] Jusqu’à la révolution bolchevique, la Russie employait le calendrier Julien en retard sur le calendrier Grégorien de 11 jours pour le XVIIIème siècle et de 12 jours pour le XIXème. Il peut donc y avoir de légers problèmes chronologiques dus à l’incertitude du calendrier utilisé dans les sources et documents consultés.

[57] L’Institut Smolny servit de pensionnat jusqu’à l’arrivée du Soviet de Petrograd en août 1917. Il abrite aujourd’hui la mairie.

[58] Catherine II dite la Grande Catherine (1729-1796), née Sophie d’Anhalt Zerbst n’adopta le prénom de Catherine qu’après s’être convertie à l’orthodoxie pour épouser le tsar Pierre III. Elle est mère de Paul Ier.

Grey Ian. La grande Catherine. Cercle du bibliophile. 1970.

[59] Née Sophie Dorothée Augusta de Wurtemberg. Grande duchesse et impératrice de Russie sous le nom de Maria Feodorovna. Fille de Frédéric Eugène de Wurtemberg et de Frédérique Dorothée de Brandebourg Schwedt, elle naquit le 25 octobre 1759 à Settin en Poméranie (aujourd’hui Szczecin en Pologne) et décéda le 05 novembre 1828 à Saint Petersbourg. Elle épousera l’empereur Paul Ier ( né et mort à Saint-Pétersbourg 20 septembre 1754 – 11 mars 1801) qui lui donnera dix enfants dont Alexandre Ier, Constantin et Nicolas Ier.

Martin. Maria Feodorovna en son temps. L’Harmattan 2003

[60] En Russie, pour nommer quelqu’un de manière respectueuse, on ajoute le prénom du père à la suite du prénom de la personne dans tous les documents officiels. Le prénom du père se termine alors par –ovna, –evna, –itchna, pour les femmes –ovitch, –evitch, –itch, pour les hommes. Elle a donc comme deuxième composante le prénom de son père Féodor (Frédéric) derrière celui qu’elle a choisi pour se convertir à la religion orthodoxe : Marie. A noter qu’elle aurait pu conserver celui de Sophie, mais il rappelait la Russie Kievienne et de mauvais souvenirs à la famille impériale. Par ailleurs la transcription du cyrillique dans notre alphabet peut expliquer les différentes orthographes rencontrées pour un même nom.

[61] Comtesse et aristocrate française ayant séjourné de longues années en Russie. Son mari, Arthur de Choiseul Gouffier, ex sous lieutenant de l’armée française a été attaché au gouverneur militaire de Wilna avec le rang d’assesseur de collège. Il a prêté le serment à l’empereur comme sujet russe en 1832.

Sophie de Choiseul Gouffier. Mémoires historiques sur l’empereur Alexandre et la cour de Russie par Sophie de Choiseul Gouffier née comtesse de Fisenhaus ancienne demoiselle d’honneur à la cour de leurs majestés impériales de Russie. Bruxelles 1829.

[62] Costume brun ou vert selon les classes

[63] Cinquante ans auparavant un autre haut marnais, Denis Diderot, avait présenté à Catherine II une méthode d’apprentissage des langues pour l’Ecole des Cadets de Saint-Pétersbourg, et il avait aussi proposé d’intégrer une leçon d’anatomie dans le programme d’enseignement du Smolnyi Monastyr (Institut Smolny). Bulletin de la SHAL numéro spécial. Autour de Diderot. 1984

[64] Léon Tolstoï ira y faire ses études à partir de 1841 ; plus tard Lénine s’en fera renvoyer.

[65] Institut fondé pour les bourgeoises pauvres.

[66] Cette décoration récompensant les mérites civils a été créée en 1782. Elle comportait 4 classes et fut également décernée à titre militaire après la guerre de Crimée.

[67] Depuis Pierre le Grand et jusqu’en 1917 la société russe sera composée d’un réseau de fonctionnaires, portant tous l’uniforme, et divisé en 14 classes comportant une correspondance entre les grades civils et militaires : 1 Chancelier (maréchal) ; 2 conseiller secret actuel (général) ; 3 conseiller secret (lieutenant général) ; 4 conseiller d’Etat actuel (major général) ; 5 conseiller d’Etat (major général) ; 6 conseiller de collège (colonel) ; 7 conseiller aulique (lieutenant colonel) ; 8 assesseur de collège (commandant) ; 9 conseiller titulaire (capitaine) ; 10 secrétaire de collège (lieutenant) ; 11 secrétaire de navire (lieutenant) ; 12 secrétaire de gouvernement (sous lieutenant) ; 13 secrétaire provincial (enseigne) ; 14 registrateur de collège (enseigne). Les huit premières classes donnaient droit à la noblesse héréditaire et les quatre suivantes assuraient la noblesse personnelle. Les attributions réelles d’Alphonse Jobard en tant que conseiller du tsar sont inconnues ; il était plutôt celui de l’impératrice puisqu’elle s’occupait essentiellement d’éducation et qu’il était apprécié dans ce domaine.

[68] Il s’agit d’un différentiel de salaire consécutif à un reclassement hiérarchique effectué en 1824.

[69] Prosper Barante 1782-1866. Pair de France. Historien des Ducs de Bourgogne.

[70] Né à Tsarskoïe Selo le 25 juin 1796 et mort à Saint-Pétersbourg le 18 février 1855, époux de Charlotte de Prusse. Troyat. Nicolas Ier. Perrin 2000.

[71] C’est pour avoir lu des livres occidentaux que Dostoïevski sera arrêté et condamné à mort puis gracié et déporté en Sibérie en 1849.

[72] C’est en décembre 1825 à la faveur du flottement provoqué par la disparition soudaine d’Alexandre 1er, et la renonciation au trône de son frère Constantin, qu’a lieu la conjuration des décembristes. Huit sont princes : Troubetzkoï, Volkonski, Obolensky, Chtchépine-Rostowski , Barietinski, Odoïexski, Tchakovski et Galitzine ; trois sont comte : Konovnitsine, Tchernichev et Boulgari ; autant sont barons : Steinhell, Rosen et Tcherkassov. L’affaire consiste en une tentative de soulèvement de la garnison de St Pétersbourg pour écarter la dynastie Romanov du pouvoir et supprimer le servage. Elle se solde par un échec cuisant car il suffit au nouveau tsar Nicolas Ier de faire tirer quelques coups de canon pour que tout rentre dans l’ordre. Le mouvement n’en restera toutefois pas là mais agira dans l’ombre sous forme d’attentats et de meurtres ; les coups atteindront le tsar, sa famille, les ministres, les hauts fonctionnaires… Les révolutionnaires parlaient français et avaient recopié les règles qu’ils voulaient mettre en vigueur dans des livres étrangers, ce qui entraîna des suspicions sur les non russes.

[73] In Bakounine : la Science et l’Action révolutionnaire.

[74] In Bielinski : Adieux aux Français. 1837.

[75] Sergueï Semionovitch Ouvarov 1785-1855. Littérateur russe, président de l’académie des sciences de Moscou, ministre de l’Instruction Publique en 1832. Fondateur de la société archéologique russe en 1834, et de la société géographique russe en 1841. Il sera fait comte en 1846.

[76] Dont un des descendants naîtra à Perrogney. ADHM 22J4.

[77] La hiérarchie administrative russe pouvant être une voie d’accès à la noblesse, on comprend qu’Alphonse Jobard veuille faire reconnaître sa qualification car elle peut conduire à des relations de hauteur et d’humilité, ou d’arbitraire et de servilité.

[78] Fils du célèbre président du Conseil mort en 1832. Né en 1811, diplomate puis député. Après la révolution de 1848 il se retirera dans l’Aube. Membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques.

[79] Klemens Metternich 1773-1859 Diplomate puis chancelier autrichien, signataire du traité de Chaumont en 1814. Revient à Vienne après la révolution de 1848 après avoir passé trois ans en Angleterre.

[80] Fils de l’archiduc François Charles et de la princesse Sophie de Bavière. Né le 18 août 1830, mort le 21 novembre 1916.

[81] Il fera revivre dans ses états les bonnes mœurs et la foi, en rendant à l’église la paix et l’indépendance qu’une fausse philosophie lui avait enlevées.

[82] Tous les trois avaient été précédemment évêques de Langres. Alphonse Jobard connaissait plus particulièrement le cardinal Morlot (1795-1862). Dans sa réponse ce dernier l’appelle d’ailleurs « Cher et respectable ami », preuve qu’ils se connaissaient de longue date.

[83] Les six premiers volumes de cet ouvrage, sur le point d’être publié en 1861, ne semblent se trouver dans aucune bibliothèque de France, ni en Italie à la Servizio Bibliotecario Nazionale, ni en Hongrie à la Országos Széchényi Könyvtár, ni en Autriche à la Österreichische Nationalbibliothek alors qu’on trouve dans ces bibliothèques certains des ouvrages de son frère Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard.

[84] Jules Barotte avait attribué cet écrit à son frère JBAM Jobard.

[85] Il évalue ceux ci à 200.000 francs en 1861, intérêts en sus.

[86] ADHM Barotte 732. La plupart des éléments concernant Alphonse Jobard sont tirés de ce document.

[87] Alexandre Pouchkine (1799-1837). Ecrivain et fonctionnaire des affaires étrangères. Des poèmes licencieux lui valurent un exil administratif dans le Caucase et en Crimée. Après le putsch manqué des décembristes, il obtint le pardon et la protection de Nicolas Ier qui le nomma à la cour comme « gentilhomme de la chambre ». Cette décision à double tranchant le plaça sous la coupe du tsar et du chef de la Troisième section, la police politique de l’Empereur, qui donnait ainsi son aval à tous ses écrits. Il mourra en 1837 dans un duel, avec le baron d’Anthès qui courtisait sa femme.

[88] http://www.bienpublic.com/ Philip. La presse quotidienne régionale française. Ipec 1974.

[89] le baron Louis Thenard reste alors le seul directeur du Bien Public et de l'Imprimerie. Il sera secondé par son gendre le comte d'Armaille, puis par son fils et à son décès, en 1967, son petit fils lui succèdera.

[90] Roman d’Amat. Dictionnaire de biographie française. Site Internet de la BNF.

[91] In l’illustration numéro 3336 du 2 février 1907.

[92] Par contre descendre de Jupiter est relativement facile pour ceux qui sont issus des familles royales et plus particulièrement de Louis VII Le Jeune, donc de Henri Ier roi de France de 1031 à 1060 et d’Anne de Russie, qui elle même est issue par sa grand-mère des empereurs d'Orient, de la dynastie macédonienne. Ces empereurs prétendaient être sortis de Philippe de Macédoine, le père d'Alexandre le Grand, qui se réclamait lui-même d'Hercule comme ancêtre. Alcmène, la mère d'Hercule a été séduite par Jupiter.... Généalogie toutefois sans garantie.

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