lundi 22 juin 2009

Donnot Alexandre Généalogie

QUAND LA PRESSE PARISIENNE PORTRAITURE
LES POLITIQUES HAUT MARNAIS….



La République des années 1880 correspond à un véritable âge d’or des libertés politiques et sociales. Dès 1881, les républicains reconnaissent la liberté de réunion, ainsi les cafetiers et cabaretiers ne sont plus sous surveillance. La presse, la librairie et l’imprimerie s’affranchissent à leur tour de toute entrave, et un petit nombre de journalistes tirent leur notoriété de pamphlets acides. Aurélien Scholl est de ceux là. « Prince de l'Echo et Connétable de la Baliverne », le journaliste le mieux payé et le plus connu de Paris écrit maintenant depuis près de trente ans. Il n'a pas besoin de donner son adresse aux cochers de fiacre, son faciès brutal à bouche amère et son regard saillant à peine masqué par un énorme monocle est aussi célèbre que les chapeaux de Sarah Bernhardt. Il est tout simplement devenu le maître de la chronique, de l'écho, et de la nouvelle à la main. Il gagne de telles sommes qu’il finira par posséder l'une des plus riches bibliothèques privées de Paris, d'admirables tableaux religieux qu'il adore exposer, et toute une collection de Courbet, de Manet et de Renoir . En ce jour, 14 février 1883, il dresse dans le journal l’Evènement la généalogie et le portrait d’une famille haut-marnaise honorablement connue.

« Il ne serait peut être pas sans intérêt de reconstruire la généalogie récente de cette bourgeoisie nobiliaire qu’on trouve partout aujourd’hui et sous toutes les étiquettes. Elle a des représentants à droite, à gauche, au milieu ; et, comme l’écume sur une tasse de café, chaque fraction fait son évolution, tournoyant de ci de là, jusqu’au moment où toutes se fondent pour se fixer au centre, si le temps promet d’être beau, ou s’étendre sur les bords, si le ciel menace.
Le procédé analytique de l’école naturaliste servirait certainement à donner le point exact de la politique prise dans la chrysalide même et sous l’enveloppe soyeuse des cocons de la Chambre et du Sénat.
Il serait sans doute difficile de poursuivre jusqu’au bout une pareille étude, mais ce n’est point une raison de ne pas l’essayer.
Prenons donc un de ces sénateurs élus sous la rubrique républicaine, et qui ne sont en réalité que des orléanistes ardents .
Le comte Roy, ministre des finances de 1819 à 1822, et qui fit aussi partie du court ministère Martignac, était né en 1764, à Savigny, canton de Fayl-Billot, arrondissement de Langres . Pendant qu’il gaspillait une fortune dans les affaires embarrassées du duc de Bouillon, opération qui donna lieu à un procès retentissant, son frère remplissait à Fayl-Billot, les modestes fonctions de receveur de l’enregistrement.
Le comte Roy avait deux filles, Mmes de Lariboisière et de Talhouêt, et deux neveux, fils du receveur. L’aîné devint capitaine dans la garde royale ; l’autre entra dans les finances et fut promptement nommé receveur particulier.
A la révolution de 1830, l’officier donna sa démission, autant pour se donner une attitude politique que pour se marier au pays natal. Il épousa Mlle Gallois, fille d’un propriétaire de Savigny, sac à vin renommé, mais qui, en honnête homme qu’il était, n’a jamais bu que ses revenus. L’ex officier s’établit à Fayl Billot et eut deux fils.
Quant au receveur particulier, le gouvernement de Juillet lui accorda la belle recette de Dieppe. C’était un fort bon homme, d’une intelligence limitée, mais d’un caractère bienveillant et d’allures très simples. A Dieppe, il s’éprit d’une plantureuse marchande de poissons, femme d’un manœuvre du port nommé Usurier.
Mme Usurier planta là poissons et mari, et vécut presque ostensiblement avec le receveur. Usurier eut le bon esprit de ne rien dire d’abord et de mourir ensuite.
Quand M. Roy fut nommé receveur général de la Haute-Marne, il arriva à Chaumont avec sa maîtresse et sa fille non reconnue. Il installa Mme veuve Usurier dans une jolie propriété, à Chamarandes, près de la ville, et mit la petite en pension.
Roy l’aîné est mort. L’un de ses fils est dans les finances ; l’autre capitaine d’infanterie a démissionné. Sa veuve, encore belle et riche, a épousé Dumoustier, auteur de quelques vaudevilles , et ancien habitué du café des Variétés à l’époque où florissaient Edouard Martin, Albert Monnier et Léon Battu. Le frère du vaudevilliste, chef de division au ministère des finances, se faisait appeler Dumoustier de Frédilly, parce que tel était son bon plaisir.
Et le sénateur Roy ?
Patience, nous y arrivons.
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Diderot avait laissé une fille, mariée à M. Caroillon de Vaudeuil , qui, entré dans la diplomatie, devint pair de France sous Louis Philippe. Caroillon de Vaudeuil a laissé quatre enfants : deux fils, Eugène et Ernest , et deux filles ; l’une mariée à M. Levavasseur, l’armateur de Rouen ; l’autre, qui s’appelait, je crois, Mme Lumley, ou quelque chose d’approchant, a fini quelque part dans une maison de santé.
Le père Caroillon de Vaudeuil possédait à Orquevaux et dans les environs des domaines considérables. Orquevaux fait partie du canton de Saint Blin, arrondissement de Chaumont. Eugène qui avait été député du département est mort il y a quelques années. Ernest existe encore.
Ces messieurs ne s’enorgueillissent point d’être petits-fils de Diderot. La famille cache plutôt cette origine. Jamais un Vaudeuil n’a fait mine de s’intéresser à la statue souvent projetée, jamais érigée du grand écrivain.
Les jésuites ont beaucoup travaillé de ce côté là. C’est une de leurs traditions d’empoisonner toute la descendance des grands libres penseurs. Ils se rattrapent sur les petits enfants et les petits neveux des coups que leur ont portés les illustres aïeux…
* *
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Il y a quelque cinquante ans, le fils de très pauvres gens d’Orquevaux revint du régiment avec les galons de fourrier. Il entra, pour faire les courses et quelques écritures, à la régie d’Orquevaux. Actif et insinuant, le fourrier congédié ne tarda pas à se créer une certaine importance chez les Vaudeuil, si bien qu’au bout de cinq ans on le trouve régisseur et fondé de pouvoir du pair de France.
A ce métier, le régisseur Donnot, père du sénateur, ne tarde pas à se faire une imposante pelotte. Il achète de la terre, il place de l’argent. Le public s’étonne et murmure. Mais les Vaudeuil, toutes les fois qu’on fait allusion à la fortune de leur régisseur, se contentent de répondre que leurs domaines ne leur ont jamais autant rapporté que sous la gérance de Donnot. Celui-ci, il est vrai, s’entendait supérieurement au commerce des bois. C’était un homme habile, et, si les envieux trouvaient à redire à sa fortune, les Vaudeuils étaient contents de lui, ce qui suffisait.
Toujours est il que le régisseur laissa vingt-cinq mille francs de rente à son fils, après l’avoir marié dans les circonstances que voici :
La fille naturelle du receveur général Roy était devenue grande personne. Elle n’était ni laide ni jolie. Personne ne songeait à elle. Retirée de pension, elle vivait tantôt chez son père, tantôt chez sa mère, à Chamarandes, et cette mère gâtait tout.
Le velours et la soie ne dissimulaient que peu la marchande de poissons. Plusieurs se seraient accommodés de la fille, mais l’obligation d’accepter la mère tenait les amateurs à distance.
Le père Donnot demanda pour son fils la main de la jeune personne. Roy agréa la demande, déclara qu’il reconnaîtrait sa fille et qu’il associerait son gendre à ses affaires. Le vieux roué d’Orquevaux avait spéculé, pour réussir, sur l’irrégularité de la situation, et déjà la situation se régularisait.
Ce ne devait pas être tout. Pressé par sa fille et par son gendre, M. Roy épousa la veuve Usurier, qui du reste eut le bon goût de ne pas jouir longtemps de sa parenté avec les Talhouët et autres seigneurs.
Donnot fils avait pris le nom de Donnot-Roy. On m’a dit que M. de Talhouët, qui signe aussi Talhouët-Roy, avait trouvé mauvais que Donnot eût pris ce nom. Celui ci aurait répondu qu’il n’avait fait que se conformer à un usage commercial en prenant le nom de sa femme, qu’une foule de banquiers comme lui en faisaient autant et qu’il gardait sa signature.
Donnot-Roy a une fille mariée à son cousin, l’ex officier de la garde royale et de Mme Dumoustier, et un fils marié à la fille de ce juge, Lambert-Amyot, qui a été condamné par la Cour d’appel et qui a donné sa démission. (Le juge Lambert-Amyot avait rossé M. Durand, receveur des postes.)
C’est la Haute-Marne qui a inventé le sénateur Donnot, comme si ce n’était pas assez du général Pélissier !
Il est vrai que Donnot n’avait pour concurrent que M. Steenackers, étranger au département et né à Lisbonne d’un père belge…

Si l’étranger vient envahir la France,
On lui répond par les voix du Sénat ! » .

Fallait il s’attendre à un portrait plus flatteur de la part de celui dont la patte corrosive était la hantise de tous les hommes politiques ? Certainement pas. Les principaux concernés se reconnurent, ceux qui ne l’étaient pas également ; les mauvaises langues et la presse locale faisant le reste la polémique était née et s’épanchait. C’est ainsi que l’ancien juge, Jules Lambert, s’adresse au journal l’Union de la Haute Marne le 22 février pour dénoncer un article de l’Echo du 18 précédent dont les réflexions « peuvent le mettre en cause » . Entre temps, MM. Hippolyte Donnot et le sénateur Donnot-Roy « s’étant jugés offensés » ont chargé les commandants Avon et Orse de demander des explications à Aurélien Scholl, pour éventuellement envisager une réparation par les armes. Ce dernier ayant mandaté MM. Mitchell et Tavernier pour le représenter, a reconnu que « la personne qui avait garanti à M.Aurélien Scholl les renseignements sur les familles Donnot et Roy, en raison même de sa situation dans la famille Donnot, ne méritait aucune créance, et que ces renseignements devaient être tenus pour inexacts » et la partie adverse que « en raison même du caractère public de M. Donnot père, et malgré le ton agressif de cet article, il n’y avait pas lieu à réparation par les armes ». Les ferrailleurs restèrent donc sur la touche, situation dans laquelle Aurélien Scholl passait pour maître, puisqu’il détenait un record de duels impressionnant, dont des rencontres mémorables avec Paul de Cassagnac, Robert Mitchell et le comte de Dion. Comme si la publication du procès verbal signé entre les représentants des parties ne suffisait pas, la Presse Langroise du 25 février revient sur l’article incriminé en reprenant en d’autres termes la parenté des familles Roy et Donnot, mais n’en changeant rien quant au fond et ne rectifiant même pas les erreurs de filiation. L’affaire en resta là. Un an après, dans un numéro de l’Evènement de mars 1884, Aurélien Scholl annonce le décès de Charles Thorel, ancien sous chef de bureau à la préfecture de Haute-Marne, puis au ministère de l’Intérieur, et informe ses lecteurs qu’il devait à ce dernier l’histoire de l’ascendance du sénateur Donnot .
« On compare généralement la politique à un échiquier. On a tort : c'est un jeu de dames. »
Aurélien Scholl



Article de presse relevé et annoté
par Didier DESNOUVAUX


Généalogie simplifiée, de la famille concernée par l’article d’Aurélien Scholl,
extraite de Racines Haut Marnaises numéro 18 de 1996

2-3 DONNOT Hippolyte °02-02-I856 Chaumont + 16-03-1931 à Vieillevigne (44) x 08-10-1879
Chaumont LAMBERT Marthe Marie Sophie Caroline y° 09-01-1861 + 10-04-1931 à Vieillevigne
4-5 DONNOT Alexandre Edmond, sénateur, °15-10-I827 Humberville + 23-10-19O4 Chaumont x
19-10-1851 Chamarandes ROY Annette Emma °11-09-l833 Rouen (76) + 06-08-1902 Chaumont
6-7 LAMBERT Jules Charles, juge, °18-04-1834 à Paris (75) + 08-05-1910 à Chaumont y épouse le 14-02-1860 AMIOT Berthe Marie Cécile °20-11-1841 à Chaumont y+ 10-08-1881
8-9 DONNOT Antoine Nicolas °14-11-1790 Prauthoy + 08-09-1875 Orquevaux x vers 1826 à
Noncourt PIGOROT Marie Madeleine y° 10 Pluviôse an XI +03-05-l864 Orquevaux
10-11 ROY Hippolyte, receveur, °17 Floréal an IV à Fayl-BiIIot (52) + vers 1870 Chaumont y x 12-03-1862 LEFRANCOIS Aimée °16-03-1811 Dieppedal (76) + Chamarandes, veuve USURIER
16-17 DONNOT Jean °28-04-1763 Prauthoy y+ 24-01-1848 yx 28-01-1788 BADET Reine y°
09-07-I764 y+ 24-09-1834
20-21 ROY Simon °27-I2-1769 Savigny + 30-10-1813 FayI-BiIIot x vers 1790 Langres DAUDANNE Anne Thérèse °ca 1767 Langres +20-07-1808 Fayl-BiIIot
40-41 ROY Charles, propriétaire bourgeois, °22-04-1735 Savigny + 17 vendémiaire an X FayI-Billot x 11-04-1763 Savigny GRISOT Claudette y° 04-07-1733 + 11 vendémiaire an X Fayl-BiIIot parents du comte Antoine ROY de SAVIGNY

1 commentaire:

  1. Bertrand Donnot petit fils d'Hippolyte
    le port
    Bateau Condé
    49570 Montjean sur Loire
    Merci pour cette petite histoire familiale.

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