dimanche 4 avril 2010

Claude Edouard Dimey

Un homme sous influence

    Claude Edouard Dimey naît le 13 juin 1826 à Mennouveaux dans le foyer de Claude Dimey[1], sous lieutenant retraité, et d'Elisabeth Coutrey[2]. Son père est originaire de Lanques sur Rognon et sa mère d'Ageville où ils se sont mariés le 5 janvier 1818. Ils sont implantés dans le Bassigny depuis plusieurs générations et rien ne prédisposait le petit Edouard à quitter le diocèse dans lequel il se destinait à l'état ecclésiastique. Dans ce but il a fait ses études au petit puis au grand séminaire de Langres qu'il a quitté en 1847 dans des circonstances peu communes.      

       C'était un excellent élève estimé et aimé de ses maîtres. Parmi ceux ci Paul Chantôme [3], un ancien professeur de philosophie du grand séminaire. Celui ci avait fondé une maison d’éducation pour les jeunes filles à Cuves [4], où il exerçait alors ses fonctions pastorales. En 1842 il avait obtenu l’autorisation de quitter le diocèse pour se rendre à Paris où il voulait fonder une congrégation missionnaire. A partir de cette date il séjourne soit rue du pressoir à Montmartre [5], soit à Cuves [6], soit à Langres. En 1846 Cuves a déjà vingt et une novices [7], Montmartre quelques religieuses, et à Chaumont sept religieuses et un noviciat pour les prêtres de la société dite du «Verbe Divin» avec trois postulants. C'est alors qu'à force de persuasion il réussit à convaincre Edouard Dimey de l'accompagner dans ses projets. Il voulait fonder à Paris un établissement d'enseignement primaire supérieur pour les garçons. En 1847, Edouard Dimey, alors âgé de 21 ans, quitte donc le grand séminaire pour suivre Chantôme à Paris, comme professeur dans son nouvel établissement. "Ses pères et mère, ainsi que les maîtres du jeune séminariste vivent ce départ avec beaucoup de peine mais leurs remontrances ne furent point écoutées". Chantôme qui prônait un catholicisme social se lance alors dans le grand mouvement social de la Révolution de 1848. Il fonde, en 1849, une maison d’édition, publie de nombreuses brochures, mais surtout un journal au titre significatif : «le Drapeau du Peuple» et la «revue des réformes et du progrès»,  deux publications quelque peu anarchistes, et pour le moins révolutionnaires, qui disparaîtront rapidement [8]. Edouard Dimey y a-t-il publié dans ces revues, nous l'ignorons. Pendant ce temps Chantôme "qui avait plus de bonne volonté que de discernement parla dans les clubs et sa conduite extravagante lui attira l'interdiction, tant de la part de Monseigneur l'archevêque de Paris que de la part de Monseigneur l'Eveque de Langres". Une pétition sur la réforme de l’église adressée au pape lui vaudra une condamnation de Pie IX ainsi qu'une pour délit d'obéissance qui sera publiée par l’officialité de Langres le 2/1/1850. Réconcilié avec l'Eglise par l’archevêque de Paris en 1852 Nicolas Chantôme ne reviendra plus dans le diocèse de Langres. Il est alors nommé curé de Bry sur Marne en 1855, puis aumônier de l’orphelinat St Charles à Ménilmontant en 1857 avant de rejoindre Choisy le Roy en 1869, où il restera jusqu’en 1874, date à laquelle il démissionne. Il terminera sa carrière comme Aumônier des Augustines de Meaux au 6 de la rue Oudinot, et y meurt le 7/10/1877. Les jeunes gens qu'il s'était associés, au nombre desquels se trouvait Edouard Dimey se dispersèrent. Edouard Dimey "n'osant rentrer dans sa famille chercha à se créer un moyen d'existence en écrivant dans des journaux à Paris", puis à Nîmes pendant les années 1852 et 1853 où, demeurant dans cette ville, il s'était associé, comme rédacteur en chef, à un pharmacien nommé Royer pharmacien qui exploitant le journal «L'opinion du midi». Il semblerait qu'Edouard Dimey ait été trompé par Royer. En 1849, à Paris, "il eut le malheur de s'attacher à une femme originaire de Rouen beaucoup plus âgée que lui et qu'il épousa, malgré ses parents qui gémissaient de le voir contracter une telle alliance. On croit, dans sa famille, qu'il s'est séparé volontairement de sa femme avec laquelle il n'aurait vécu que très peu de temps" mais dont il a eu deux enfants [9]. Edouard Dimey publie en 1855, un livre intitulé "Essai sur nos dynasties, leur avènement et leur chute, précédé d'une introduction sur le principe de la souveraineté et son mode de transmission, les conditions de la légitimité du pouvoir et la valeur des formes du gouvernement"  En 1859, revenu à Paris, Edouard Dimey cessa d'écrire pour se lancer dans les affaires. C'est ainsi qu'il ouvrit un commerce de vin avec un nommé Léger dont il a encore été dupe. Edouard Dimey reparaîtra, à cette occasion, à Mennouveaux, et ce sera la dernière fois. Il avait besoin d'argent. Il alla trouver sa sœur Honorine, et sut inspirer à son beau frère, Isidore Michelin [10] fabricant de coutellerie, assez de confiance pour le décider à lui fournir dix mille francs. C'était, pour eux, un sacrifice considérable, et qui ont été perdus pour toujours, l'entreprise ayant on ne peut plus mal tourné. On ne sait ni ce qu'il fit, ni ce qu'il devint entre cette date et décembre 1863 ou il vit à Bruxelles. Il y est accompagné de sa femme, Joséphine Dufour, et de ses deux enfants. Il se dit homme de lettres, ayant son domicile à Mennouveaux ou résident ses parents. Il collabore alors "à un journal de bas étage" et ses relations semblent aussi peu fréquentables. C'est ce qui incite le bureau de la sureté nationale du ministère de la justice belge à demander des renseignements sur, "sa conduite privée et politique et sa réputation" et aimerait connaître les motifs de son expatriation. Edouard Dimey souhaite y enseigner. La réponse du juge de paix du canton de Clefmont, au préfet de la Haute-Marne, est  claire sur ce point "On ne pense pas qu’à Paris et à Nimes il ait eu de mauvaises moeurs et l’on croit que, s’il a fait un sot mariage et peu honorable, c’est parce qu’il a été fasciné et comme toujours trompé. Quant à sa conduite politique, on est persuadé qu’il n’a jamais été hostile au gouvernement et qu’il s’est toujours allié aux amis de l’ordre. En un mot, on croit qu’Edouard Dimey, malgré le peu de discernement qu’il a apporté dans la direction de sa conduite et de ses affaires, mérite encore la confiance, et qu’il est très apte à enseigner les lettres". Il ajoute que "Tous les membres de sa famille et tous ses concitoyens désirent vivement que cette confiance dont il a besoin lui soit accordée, afin qu’il puisse se faire une position honorable et se suffire à lui-même; car les 10000F qu’il a fait perdre à son beau frère lui seraient de la plus grande utilité  pour son industrie et cette perte a mis toute la famille dans la gêne".
        Globalement exempt de reproches, Edouard Dimey était probablement simple, crédule, facile à tromper. A-t-il obtenu le poste convoité? L'histoire ne le dit pas, pas plus que son devenir ni celui de sa famille. Tous les renseignements sont donc les bienvenus.

 

Renvois
[1]  Claude Dimey est  né le 27/4/1783 à Lanques sur Rognon de Jean Dimey, propriétaire, et de Marie Magdeleine Dubois. Il décèdera le 25/03/1868 à Mennouveaux.
[2]  Elisabeth Coutrey est née le 31/1/1792 à Ageville de Jean Coutrey et de Jeanne Genevieve Renaudin. Son décès sera constaté le 01/03/1872 à Mennouveaux.
[3]  Nicolas Chantôme (1810-1877) est né le 16/12/1810 dans une famille de laboureur de Savigny. Il a pris plus tard le prénom de Paul. Après des études au petit puis au grand séminaire, il est ordonné prêtre à Langres par Mgr Parisis le 01/12/1835. Il est tout d'abord nommé vicaire à Notre Dame de Gigny à St Dizier où il ne restera que quelques mois. Il est ensuite professeur au petit séminaire, puis au grand séminaire ou il enseigne la philosophie de 1837 à 1840 date à laquelle il est nommé curé de Cuves, à sa demande.
[4]  il fonde l'école avec Adrienne Brocart, une femme aisée de la région de Langres qui lui fournira les fonds nécessaires et qui deviendra le première supérieure de la congrégation des sœurs du calvaire (elle décèdera le 26/6/1839 à Cuves). Ils achètent la propriété. L’ermitage se compose de trois petites pièces, une cuisine, une grande classe et un dortoir. Deux jeunes institutrices laïques, Barbe Marie Guyot de langres et Françoise Clotilde Plique, acceptent de vivre à l’ermitage et de commencer l’œuvre. Vers 1844, il y a 35 élèves qui fréquentent l’école, 20 sont pensionnaires. En juin 1845, trois des cinq jeunes femmes qui enseignent maintenant à l’école, commencent une année de noviciat dans le but de former une Congrégation missionnaire appelée « Sœurs du Calvaire ». Les trois jeunes femmes sont Barbe Marie Guyot – Sœur Marie du Calvaire ; Françoise Clotilde Plique – Sœur Elisabeth ; Anna Garnier – Sœur Louise. La règle qu’elles suivent est basée sur celle du Tiers Ordre des Servites. A la fin de l’année de noviciat, les trois «sœurs » ne se sentent pas prêtes à prendre un engagement avec des vœux. Elles sont reçues comme Servites du Tiers Ordre Séculier et acceptent de continuer l’œuvre.
[5]  Le 10/06/1845 a lieu à Cuves la vêture des trois premières sœurs du Calvaire dont la fondation est approuvée par Mgr Parisis, l'évêque de Langres. Le père Claude Brullon (1818 Dinteville - 1850), désormais curé de Cuves et futur compagnon de Chantôme est directeur de l’établissement. La maison de Montmartre avec quelques religieuses est considérée comme étant une succursale de Cuves.
[6]  Une autre congrégation est née de la première communauté de Cuves : l’institut des Filles de Notre Dame des missions, fondée par Euphrasie Barbier, une ancienne de Cuves. Cette importante congrégation a actuellement des maisons dans de nombreux pays (Nouvelle Zélande, Canada, Roumanie, Indes, Amérique Latine, Lyon…).  Aujourd'hui la maison mère est sur la colline de Fourvière à Lyon
[7]  Le 26 juin 1849, Sœur Marie Guyot meurt, à l’âge de 28 ans. A cette date, elles sont environ 40 «sœurs» qui se préparent. Soeur Elisabeth Garnier quitte Cuves, et avec la nomination d’une nouvelle supérieure, une crise éclate dans la communauté et à l’école. Lorsque Nicolas Chantôme est excommunié pour ses activités révolutionnaires soutenant la Révolution française de 1848, deux sœurs sont envoyées à Londres pour apprendre l’anglais afin d’y entreprendre une œuvre missionnaire.  Plus tard, quatre autres sœurs se joignent à elles. Elles restent toutes, dans des pièces louées aux Pères Oratoriens, dans un quartier défavorisé de Londres: St Giles. En septembre 1852, toutes les sœurs qui sont encore à Cuves, quittent pour venir s’installer à Londres et apprendre l’anglais. Elle y sont accueillies par Félix Philpin de Rivières (1814 Langres - 1908 Londres) ancien curé de Vitry les Nogent (1841) puis de Cuves de 1847 à 1852 devenu oratorien. Il était notamment "célèbre" pour avoir sauvé la chapelle de ND des Ermites de Cuves en 1849 alors qu'elle était victime d'un incendie. Philpin de Rivières monta sur une échelle et fit un signe de croix avec son crucifix sur le clocher entouré de flammes. Au même moment les flammes se retournèrent.  Les quatre années suivantes, ces sœurs se mirent à enseigner dans une école de défavorisés ouverte par les Pères Oratoriens. Elles dirigent également un orphelinat ainsi qu'une école technique pour jeunes filles. En 1857, plusieurs d'entre elles sont reçues « Sœurs de la Compassion ». Elles s’agrègeront en 1864 à l’Ordre des Servites de Marie nom pour celui de « Mantellées du Tiers Ordre des Servites de Marie ». En 1875, les sœurs de Londres, décident de racheter le premier couvent de l’Ermitage à Cuves, en France. Dix ans plus tard, en 1885, la Maison Ste Marie, pensionnat construit à Cuves, est achetée afin d’ouvrir de nouveau. Les lois anticléricales votées en France, amènent à la fermeture en 1905. En 1910, la Maison Ste Marie, à Cuves est vendue.

[8]  L’abbé Chantôme, fouriériste, directeur de la Revue des réformes et du progrès, accueille, à partir de juin 1849, les catholiques qui quittent L’Ère nouvelle et où le célèbre député socialiste Arnaud publie « L’École de l’Avenir ou de la Démocratie catholique », charte de la démocratie chrétienne.
[9]  Ni le mariage, ni les naissances n'ont eu lieu à Mennouveaux.
[10]  Le 18/4/1843 eut lieu, à Mennouveaux, le mariage de Geneviève Honorine Dimey et d'Isidore Claude Michelin
 


Sources
ADHM 99M1; Etat Civil de Mennouveaux, Ageville et Lanques sur Rognon
La Croix de la Haute-Marne de 1995.
Le Journal de la Haute-Marne de 1989.
Site internet des Servites de Marie et de la BNF.



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