La nogentaise Georgette Jeanne Fourel
Nous sommes le 22 décembre 1931 à Paris, plus précisément dans le 1er arrondissement. Ce jour là, il fait 7°, ce qui est relativement doux pour une fin d'année, mais un épais brouillard recouvre la capitale. "Jolie comme un cœur: elle porte une robe bleu-nuit - la couleur qu'il aime - une crêpe Georgette. Un manteau vert à col d'opossum. Une capeline. Elle s'est parfumée à l'Origan de Coty." Lui, a mis son plus beau costume. Devant le premier magistrat, les deux amants échangent leur consentement. A 10H30, tout est fini, le mariage est officiellement enregistré. Henri Charrière [1] reprend le chemin de sa cellule à Fresnes. Le tristement célèbre Papillon vient de prendre pour épouse une jeune et belle haut-marnaise nommée Georgette Jeanne Fourel.
Georgette n'est alors qu'une jeune fille d'à peine vingt ans. Pour se marier, elle a du obtenir le consentement de ses parents. Georgette avait alors quitté le quartier de Pigalle pour revenir dans sa Haute-Marne natale, et plus précisément à Nogent en Bassigny ainsi que le mentionne le rapport des inspecteurs Grimaldi et Nauzelles du 28 mars 1930: "Fourel Georgette Jeanne dite Nénette, née le 25 mai 1911 à Nogent en Bassigny (Haute-Marne), couturière…." En octobre 1931, alors qu'il est condamné au bagne à vie, Papillon demande à Georgette de l'épouser. A Nogent, que sait-on de sa vie parisienne? Rien, ou presque. Elle y est couturière…. C'est quasiment tout. Elle s'est quand même déjà affichée avec Charrière dans les rues de son village natal. Mais on ne peut pas dire qu'il y ait fait très bonne impression, un "petit monsieur à la mine criarde , aux cheveux trop gominés, aux activités mal définies" . Même sa mère avait eu des doutes, quand Georgette avait reçu un télégramme ainsi libellé: "Machine en détresse - envoyer charbon - Papillon". Elle a bien compris que Charrière était à court d'argent et que c'est Georgette qui l'entretenait. Dans les quartiers chauds de Paris elle est inscrite sous le nom de Georgette Soila, mais les habitués la connaissent sous celui de Nénette. Et depuis les journaux ont donné les détails de la condamnation de Charrière…. Qu'importe, en novembre 1931, Georgette obtint quand même l'accord de ses parents.
Le 3 juillet 1932 Georgette Fourel est condamnée, par la 10ème Chambre de la Cour d'Assises, à deux mois de prison avec sursis pour port d'armes, mais acquittée de l'accusation de coups et blessures portée contre elle à l'encontre de … Henri Charrière, son mari. Le 2 avril, sur la demande de Papillon, elle s'était présentée au parloir de la prison de Fresnes avec un pistolet chargé. Une fois face à son mari, Georgette tira plusieurs fois sans jamais l'atteindre. Cette manœuvre, préméditée par Charrière, ainsi que les aveux de Georgette dans une affaire de meurtre, était destinée à faire diversion et à innocenter ledit Charrière/Papillon [2]. Malgré son amour pour lui, aussi ardent soit-il au point de lui être totalement soumise, Georgette a préféré libérer sa conscience plutôt que son mari, en avouant tout aux juges. Quelque temps après, Papillon partira pour Cayenne dont il réussira à s'échapper. Il reviendra en France et racontera sa vie dans un ouvrage en partie autobiographique qui lui vaudra une certaine célébrité et le soutien d'intellectuels ou d'artistes, tels François Mauriac et Simone de Beauvoir.
Quarante ans après, alors qu'elle était en maison de retraite, Georgette Fourel qui n'a jamais cessé d'être la femme de Papillon obtient le divorce de celui qui était son grand amour et sa grande soumission essayant de tirer un trait définitif sur des souvenirs que nous essayons tous de nous remémorer.
Notes
[1] Henri Charrière naît le 16 novembre 1906 à Saint-Étienne-de-Lugdarès, France, meurt d'un cancer à la gorge, le 29 juillet 1973 à Madrid, Espagne, et est dans le cimetiére de Lanas, en Ardèche.
[2] Henri Charrière fut condamné aux travaux forcés à perpétuité au bagne de Guyane après avoir été jugé pour le meurtre de Roland Legrand, le 28 octobre 1931, meurtre qu'il a d'ailleurs toujours nié.
Sources
Jean Lefèvre. Le bagne à la casse. Editions France Empire 1981
Georges Ménager. Les quatre vérités de Papillon. Editions La Table Ronde 1970
Henri Charrière. Papillon. Editions Robert Laffont 1969.
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