Le commissaire Belin démasqué
ou quand la carrière d’un poulet inspire le cinéma et la télévision
Dans ses mémoires, Trente ans de sûreté nationale, le commissaire Belin nous dit " on ne vit pas avec les morts ", mais peut être aurait il bien fait de penser comme Marcel Arland : "Si je ne m'occupe pas de nos morts, qui s'en occupera ? ", car Jules Belin semble ne même pas se souvenir de la commune dans laquelle il est né. " Mes débuts sont très modestes. Je suis né à Dijon (Côte d’Or)… " Notre ami Bernard Sanrey, qui a retrouvé son acte de naissance, raconte dans son ouvrage Autrefois la région de Hortes à Varennes que " Jules Belin est né à Chézeaux, le 5 juillet 1884 ". " Ma mère une sainte femme, active et travailleuse, comme c’était l’habitude autrefois, dirigeait, non loin du palais des Ducs, un atelier de couture. Elle m’éleva seule, car mon père, comptable à Dijon, la laissa veuve alors que j’avais trois ans ". Là encore Jules Belin semble embellir la réalité car sa mère n’avait que 17 ans à sa naissance ; elle ne pouvait donc pas diriger un atelier de couture, mais seulement y faire ses premières armes. Elle accoucha chez son frère Auguste, probablement en raison de son jeune âge. Le futur commissaire de police, dit qu’il finira " ses études au collège de Langres " parce que sa mère voulait qu’il soit bachelier. Pourquoi serait-il venu faire des études à Langres s’il avait habité Dijon ? La cité ducale comptait alors plusieurs lycées réputés. Tout simplement parce qu’il fut élevé non pas par sa mère, mais par son oncle à Chézeaux, modeste village du canton de Varennes. Comme pour brouiller les pistes, Jules Belin n’évoque jamais cette commune haut marnaise dans laquelle il revient presque chaque été jusqu’en 1937, à moins qu’il ne mente comme il a menti jadis aux journalistes qui le gênaient dans ses enquêtes. Ses amis d’enfance ont reconnu que les souvenirs qu’il racontait de son jeune temps étaient pour le moins fantaisistes. La lecture du passage que Bernard Sanrey lui consacre sont bien plus proches de la réalité, mais évoquons plutôt un aspect méconnu de ce commissaire qui avait enquêté sur les plus grandes affaires de son époque. Il fit en effet arrêter Landru, résoudre l’affaire Stawisky, celles du magistrat prince de Dijon, du marquis de Champaubert, des cagoulards ou de Weidmann.
Certaines des grandes enquêtes menées par le commissaire Belin seront reprises pour être adaptées au cinéma. Jules Belin qui avait été quelque temps journaliste pour Détective voulut également se rapprocher du septième art. Celui ci développa une idée pour le réalisateur Maurice de Canonge qui en fera le film, Interdit de séjour sorti en 1954, avec Paul Frankeur, Michel Piccoli, Robert Dalban, Claude Laydu, Renaud Mary et Joëlle Bernard dans les rôles principaux. Il raconte naturellement une histoire policière dont le synopsis est le suivant : Pierre Menard s'éprend d'une jeune femme, Suzy, qui est en réalité une entraîneuse. Accusé de complicité à la suite d'une tentative de vol, dans la bijouterie où il travaille, mais qui a été en réalité commis par le frère de sa belle, il est interdit de séjour. Il décide néanmoins de rester auprès de Suzy. Ménard cherche vainement du travail pour pouvoir subvenir à ses besoins, et finit par accepter les offres d'un chef de bande qu'il a connu en prison..... Pris dans une rafle il est reconnu par la police. Il est alors mis en demeure soit de quitter Paris, soit de devenir indicateur. Il choisit cette dernière alternative, mais retrouvé par la bande, il est roué de coups et tué avant que n'intervienne la police…
On ne peut pas non plus parler sans humour de ce quinquagénaire volage dont les amours s’envolaient en fumée et dont le charme bucolique firent le succès. Aux élections de 1919, quatre mille français écriront le nom de Landru sur leur bulletin de vote. C’était la renommée pour le sire de Gambais. Et plusieurs dizaines d’années après que sa tête barbue de satyre eut roulé dans le panier de la guillotine la gloire de Désiré Landru n’a rien perdu de sa superbe. Les adaptations cinématographiques et télévisées sont multiples, mais la meilleure est probablement celle que Claude Chabrol tourna en 1962 avec Charles Denner.
Chacun connaît les aventures du commissaire Jules Maigret qui passent régulièrement sur le petit écran. Pour ses romans policiers et la création de son célèbre héros, Georges Simenon s’est probablement inspiré du commissaire de police Jules Belin rendu célèbre pour avoir arrêté le tueur en série Henri Désiré Landru. C’est en tout cas ce que prétendent certaines encyclopédies, d’autres affirment que c’est le commissaire Massu, en poste également à la brigade criminelle, quai des Orfèvres, qui inspira l’écrivain. Toujours est il que l’ouvrage et la carrière du commissaire Belin servirent de base à un programme télévisé qui est rapidement devenu une série culte : Les brigades du Tigre. Clémenceau avait réalisé à quel point la police française était mal organisée. Elle fonctionnait de manière archaïque, sans fichiers, ni méthode moderne d’investigation. Les malfrats utilisaient des armes récentes, des voitures. Les policiers de leurs côté n’avaient même pas de machines à écrire. Résultat le taux de criminalité était incroyablement élevé. Par an, 107000 affaires classées sans arrestation. A cette époque, quand un bandit quittait la circonscription où il avait commis son délit, les gendarmes n’avaient pas le droit de suite. Il fallait prévenir la brigade voisine que le criminel arrivait. Le ministre de l’intérieur se lança alors dans une entreprise de modernisation et d’organisation sans précédant. Il affecta des moyens plus important à la police. Il constitua un fichier central des criminels du pays qui était régulièrement réactualisé. Un bulletin hebdomadaire contenant des photos et des renseignements sur les malfrats fut publié et diffusé dans tous les commissariats de France. Enfin, il créa les Brigades Mobiles qui pouvait intervenir sur tout le territoire. Les origines de la création des Brigades du Tigre remontent au milieu des années 1960. A cette époque, Claude Desailly venait d’achever le scénario du film J’ai tué Raspoutine. Par souci de véracité historique, Desailly avait collaboré avec Alain Decaux, icône incontournable de l’histoire version septième art. A la fin des années 1960, ce dernier reprend contact avec Claude Desailly pour lui demander s’il n’a pas une idée de programme télévisé, telle une série policière qui puisse rivaliser avec les productions américaines de l'époque. Celui ci venait de lire les mémoires de Jules Belin qui avait été un des premiers à faire partie des Brigades Mobiles. Sa carrière l’inspira aussitôt. La grande originalité des Brigades du Tigre est de se situer à la confluence de deux genres : la série policière et le feuilleton historique. C’est par le mariage heureux de ces deux styles que la série a fini par acquérir une grande notoriété en France.
Aujourd’hui plus personne, ou presque, ne se souvient de Jules Belin alors que certains des assassins qu’il a arrêtés sont passés à la postérité, ne serait ce qu’à travers le septième art. Il conviendrait qu’une biographie sérieuse soit enfin écrite sur ce personnage afin de lui rendre la place qu’il mérite parmi les gloires de la police nationale.
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Bonjour, je me permets de vous écrire car je suis à la recherche de l'ouvrage écrit par Jules Belin, sauriez-vous me dire où me le procurer ?
RépondreSupprimercordialement
Charles
charles.chester.t@gmail.com