Une tombe qui a perdu de sa superbe.
Généralement, dans les cimetières, restent de vieilles
tombes plus ou moins abandonnées à la perpétuité souhaitée par les familles des
défunts quand ces derniers n’avaient pas eux-mêmes manifestés leurs désirs. Le
passant d’aujourd’hui est parfois bien loin d’imaginer l’aspect que pouvaient
avoir ces magnifiques vaisseaux de pierre échoués au milieu des sépultures contemporaines,
comme un navire sur un banc de sable attendant d’être englouti par les flots ou
démantelé par les affres du temps. Or ces sépultures sont parfois de véritables
œuvres d’art dont la majesté n’apparaît plus aux yeux du visiteur actuel.
Le cimetière communal de Langres de la Maladière conserve
ces vieilles tombes. Parmi celles-ci, la sépulture de Léontine Julienne SANTA 1837-1888.
Marie Julienne Alix SANTA naît le 1er avril 1837
à Langres dans le foyer de Pierre Charles SANTA architecte à Damblain (1803- ?)
et de Jeanne Marie Barbe CHULLIOT de PLOOSEN (1818-1839). Célibataire, elle
restera avec son père sa vie durant au 7 rue de la Tournelle. Celui-ci était
devenu veuf alors que Julienne qu’ils
appelleront aussi Léontine n’avait que deux ans. L’acte de décès de Marie
Julienne Alix Léontine SANTA, du 8 mai 1838, mentionne d’ailleurs ce quatrième
prénom. N’ayant pas d’enfant la tombe aurait pu être modeste, mais en la
regardant de plus près, celle-ci indique le nom d’un architecte, Bastien, et d’un
sculpteur chaumontais, Ragot.
Ernest Charles Emile Bastien, puisque c’est de lui dont il s’agit,
est architecte à Bourbonne-les-Bains. Alors âgé de 29 ans, il est cousin issu
de germain avec la défunte dont il est le co-déclarant du décès. Il dessine un
superbe tombeau dont la réalisation est confiée à Victor Ragot (1833-1917). En
1855 ce dernier avait repris l’atelier familial de sculpture religieuse. Il
sortait de l’école nationale des Beaux-arts de Paris et demeurait 48 rue Toupot
de Bevaux à Chaumont. Spécialiste de sculpture religieuse, il suffit pour s’en
convaincre de visiter les églises de Brainville sur Meuse, et de Nogent en
Bassigny dans laquelle maître autel et autels latéraux sont sortis des coups
répétés de sa gouge.
L’aspect actuel de la tombe laisse deviner quel fut son
aspect initial. On devine encore dans la pierre des traces d’un dessin
préparatoire dont on pourrait se demander où sont passés les parties manquantes,
si le photographe langrois Victor Petit n’avait pas immortalisé ce magnifique
tombeau pour l’éternité que peuvent avoir les rares et fragiles plaques de
verre support et témoins du temps passé.
On y voit alors que la sépulture, posée sur un socle de
pierre locale restée à l’état naturel, était entièrement peinte en blanc avec
quelques motifs et arabesques de couleur noire correspondant aux traits de
gouges seuls reliefs encore visibles de nos jours.
Pendant de nombreuses années, la sépulture de la défunte attira
ainsi le regard du visiteur qui passant dans les allées, pouvait avoir une
pensée émue pour celle qui y fut inhumée ou sa famille, et l’espace d’un instant, se mettre à
l’ombre du résineux qui abritait quelque peu la tombe mais aussi accéléra sa
décrépitude.
Tout un patrimoine méconnu git dans nos cimetières. Sachons
le découvrir !
Didier Desnouvaux
Sources: Etat Civil de Langres, photos issues de la collection privée de l'auteur